La Dernière Reine, amours et intrigues chez les Tudors !

La Dernière Reine, Philippa Gregory, Milady

FICTION HISTORIQUE — Philippa Gregory est une auteure britannique à succès qui s’est spécialisée dans la fiction historique, en particulier sur l’histoire de l’Angleterre. Nombre de ses œuvres ont d’ailleurs servi de support à des adaptations cinématographiques ou télévisuelles (Deux sœurs pour un roi, The White Queen, …). Son dernier roman porte une fois de plus sur le règne des Tudors et met cette fois en lumière Catherine Parr, la dernière des six femmes d’Henri VIII. Malgré de grandes réalisations, elle reste un personnage méconnu, sans doute éclipsée par les légendes plus ou moins sulfureuses qui entourent Anne Boleyn ou Catherine Howard, pour ne citer qu’elles. Ce roman permet donc, sur fond de fiction, d’en savoir un peu plus sur La Dernière Reine d’Henri VIII.

Angleterre, 1543. Henri VIII, monarque tout puissant, n’est plus le jeune homme fringant qu’il était. À 51 ans, c’est désormais un vieil homme obèse avec une blessure purulente à la jambe qui ne guérira jamais. Il est veuf et/ou divorcé pour la cinquième fois et il s’est mis en tête d’épouser la jeune et jolie Catherine Parr, de 21 ans sa cadette. Celle-ci n’a bien évidemment pas d’autre choix que d’accepter même si tout le monde la met en garde contre ce Roi qui, à la façon de Barbe-Bleue, se débarrasse des femmes qu’il trouve encombrantes. Mais les débuts sont prometteurs : Henri VIII semble adorer sa nouvelle épouse qui a réussi l’exploit de réunir ses trois enfants — Édouard, Élisabeth et Marie — à la Cour, et a tenu à la perfection son rôle de Régente pendant la campagne de France de son mari. Tout semble donc aller pour le mieux et le spectre des cinq épouses passées du Roi n’est qu’un lointain mauvais souvenir. Mais la Reine gagne en indépendance : amoureuse des lettres et de l’érudition, Catherine s’émancipe intellectuellement et spirituellement. Un peu trop pour le Roi et ses proches conseillers qui voient d’un œil mauvais qu’une femme essaie de penser par elle-même. Catherine Parr aurait-elle elle-même signé sa déchéance ?

Ce roman est écrit à la première personne, du point de vue de Catherine Parr. Ayant vécu loin de la Cour, elle découvre (et le lecteur avec elle) les rouages de la politique et des petites luttes intestines en vogue au XVIème siècle. Malgré elle, Catherine Parr va prendre la pleine mesure de la lutte entre le catholicisme et le protestantisme. Née et éduquée catholique, la jeune femme s’est prise de passion sur le tard pour l’érudition, ce qui lui a permis d’étudier de manière intensive la Bible et les autres textes religieux. Elle s’intéressa donc de très près au protestantisme et à l’anglicanisme, qui fut initié par le Roi lui-même afin de pouvoir épouser Anne Boleyn. Elle va donc apprendre à louvoyer pour tour à tour cacher et affirmer sa foi, au gré des retournements de situation imposés par le Roi.

Alors certes, c’est une fiction historique et non pas une biographie académique de Catherine Parr et Henri VIII que nous avons là, mais il faut néanmoins souligner le gros travail bibliographique de l’auteure. Il y a bien évidemment certains partis pris, comme la représentation du Roi. Philippa Gregory dépeint un Roi tyrannique, changeant, mais absolument inconscient des drames qu’il crée. Henri vit complètement dans le déni, sûr son bon droit et de sa légitimité, et incapable de prendre ses responsabilité. L’auteure extrapole aussi — au moins en partie — les liens entre Anne Askew (une martyr protestante condamnée pour hérésie) et la Reine, encore que rien n’atteste que ses suppositions soient fausses. Philippa Gregory est donc très bien renseignée et utilise avec une relative subtilité les zones d’ombre laissées par l’Histoire. On regrettera peut-être l’aspect romance insufflé au récit : on nous présente une Catherine Parr transie d’amour pour Thomas Seymour. Après quelques folles nuits d’amour pendant son veuvage, celle-ci doit renoncer à l’amour de sa vie pour pouvoir épouser le Roi, et surtout pour survivre à son mariage. À partir de là, leur amour devient platonique. Ces quelques scènes n’amènent pas grand-chose à l’histoire, mais elles ont au moins le mérite de pousser à se renseigner, à la fin du livre, sur le destin de ces deux amants maudits, et par la même occasion, de découvrir que Thomas Seymour n’était peut être pas le gentleman décrit dans le livre.

Nous avons donc là une très bonne fiction historique. Au fur et à mesure de la première moitié du roman, notre vigilance envers Henri VIII s’émousse pour repartir de plus belle et créer un climat de tension alors même que le lecteur averti connaît peut être déjà la fin. Ce récit fait la part belle à Catherine Parr, Reine d’Angleterre oubliée mais qui a pourtant su briller et qui a fait preuve, pour l’époque, d’une belle indépendance d’esprit. En dépit de la fragilité de sa position, elle a su accomplir ce que les autres femmes d’Henri VIII n’ont pas réussi à faire : rassembler la famille royale, aimer ses beaux-enfants et participer à leur éducation. À ce titre, elle a forcément eu une forte influence sur les adultes et les souverains qu’ils sont tous devenus ! Si vous aimez les romans historiques, la dynastie des Tudors et/ou les portraits de femmes fortes, n’hésitez pas !

La Dernière Reine, Philippa Gregory. Milady, juin 2018. Traduit de l’anglais par Alain Sainte-Marie.

 

Par Coralie.

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