MISSISSIPPI — Certains livres vous collent une claque. D’autres vous touchent sans prévenir, tout en douceur mais de manière peut-être plus pérenne. Miss Jane est de ceux-là.
La vie dans la campagne du sud des États-Unis, à l’orée du XXe siècle, semble se passer avec une certaine monotonie et une langueur qui auront raison de la fille aînée des Chilsom, qui s’en ira en ville dès qu’elle le pourra. Mais leur cadette, Jane, apprécie les longues journées de labeur aux champs, la répétition des saisons, le calme de la maison quand la nuit tombe. C’est une vie qui lui convient. Mais au fond, a-t-elle le choix ? Pour l’enfant, puis la jeune femme qu’elle est, la nature, si fascinante quand elle l’observe de manière presque sensuelle quand elle regarde plantes et oiseaux, a été cruelle. Jane est née avec une malformation qui la rend incontinente et l’empêche d’espérer avoir des enfants un jour. Elle vit donc en marge de la vie sociale qui bat son plein en ville. À elle donc le quotidien plus taciturne de la campagne…
Les Chilsom, leur vieux médecin de famille, et les métayers forment autant de portraits touchants de ces habitants du Deep South qu’on a tôt fait de caricaturer. Tous autant qu’ils sont semblent plutôt insatisfaits et leur vie semble émaillée par les deuils et les déceptions. La vie est rude, cruelle, et même quand on tente de s’enfuir, de s’ouvrir une nouvelle parenthèse ailleurs, le bonheur est loin d’être garanti. Le bonheur, c’est une chimère, un conte dont on berce les petits enfants… avant bien vite, de leur expliquer à quoi ressemblera la vie, la vraie.
Le récit que fait l’auteur est donc rude et émouvant, le lecteur découvre ces personnages le cœur étreint. La mère qui est passée à côté de sa vie. Le père qui boit pour oublier qu’il ne fait que travailler, travailler et pour quoi ? Pour que la grande Dépression mette tout en péril… La sœur aînée, trop ambitieuse pour ces contrées. Et enfin, Jane. Condamnée dès sa naissance à la solitude quand tous les autres l’auront quittée. Pas de mari, pas de famille à elle. Juste la sensation fugace d’avoir aimé et été aimée, brièvement.
C’est un très beau roman, rude et sans concession, et un beau portrait presque terrible de la vie dans le Sud au début du XXe siècle. Porté par une écriture délicate et contemplative, Miss Jane est un petit moment de grâce, un récit à la fois brut et affûté.
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