Bakhita : l’épopée d’une esclave devenue sainte

BIOGRAPHIE ROMANCÉE — Véronique Olmi a choisi, dans son dernier roman, de nous conter la vie de Bakhita, l’esclave devenue sainte. Méconnue en Occident avant la publication de ce récit (et ce malgré un précédent roman feuilleton italien), sa notoriété et son destin extraordinaire ont néanmoins eu plus de retentissement en Afrique, d’où elle est originaire.

Bakhita signifie “La chanceuse” et ce n’est pas le nom que ses parents lui ont choisi. Mais la jeune fille a été enlevée à sept ans dans son village du Darfour, et renommée ainsi par les trafiquants d’homme qui l’accompagnent. Avec eux et avec ses maîtres successifs, elle a connu toutes les horreurs et les souffrances de l’esclavage : brimades, insultes, coups, mutilations. Rien ne lui a été épargné et le récit révèle toute l’horreur et la perversité de la nature humaine.

Rachetée à l’adolescence par le consul d’Italie, Bakhita quitte sa région natale, et avec elle, l’espoir de revoir sa famille. Lentement, mais inexorablement, son enfance s’efface et seules restent les années de servitude. En Italie, dans la région de Venise, elle reprend goût à la vie mais, en même temps, elle découvre un pays d’inégalités, de pauvreté et d’exclusions. Et si l’esclavage n’a pas vraiment cours en Italie, ce n’est pas pour autant que Bakhita retrouve tout de suite sa liberté. Affranchie à la suite d’un procès retentissant à Venise, elle entre dans les ordres et traverse le tumulte des deux guerres mondiales et du fascisme en vouant sa vie aux enfants pauvres.

L’histoire de Bakhita est passionnante et bouleversante. Instructive aussi, sur la nature humaine et sur la résilience. Ce destin hors-norme, c’est la force de ce roman et cette vie se suffit en quelque sorte à elle-même. Le début du roman, qui correspond aux années d’esclavage, est particulièrement dur. On y suit les pas d’une petite fille apeurée, qui ne comprend pas son rapt et qui découvre malgré elle que les hommes peuvent asservir d’autres hommes. Arrachée à sa famille, arrachée à sa tribu et à son village, elle se retrouve malgré elle projetée dans un voyage qui la dépasse, dans des villes où personne ne comprend son dialecte et où les esclaves entre eux ne tissent pas de liens.

Puis le récit prend une dynamique nouvelle avec l’arrivée de Bakhita en Italie. À partir de là, les années défilent à toute vitesse pour finir par survoler le XXe siècle. On pourrait croire que sa venue dans les environs de Venise va insuffler une liberté nouvelle à la vie de Bakhita, et c’est en partie vrai. Mais pas totalement, puisqu’il en ressort encore un puissant sentiment d’injustice et d’incompréhension. Même dans ce pays libre, personne ne prend en compte les envies de Bakhita : tout le monde se croit autorisé à lui dicter sa conduite, sa foi et à l’utiliser telle une figure de propagande. Et c’est, d’une certaine manière, aussi sordide que l’esclavage (toutes proportions gardées, bien entendu).

Parfois poétique, parfois ampoulé : le style qu’a choisi Véronique Olmi ne laisse pas indifférent. S’il permet, parfois, d’adoucir l’horreur de certains évènements, on peut regretter, à certains moments, qu’il se montre déroutant. Libre à vous de vous forger votre propre avis : que l’on aime — ou pas — cette manière d’écrire, la vie de Bakhita est assez prenante pour gommer en partie ce style et happer son lecteur.

C’est la douloureuse, mais nécessaire mise en lumière de ce qui a pu avoir cours à la fin du XIXe dans tout ce qu’il y a de plus révoltant. Sans jamais vraiment renouer avec la joie et l’insouciance des premières pages, ce récit fait la part belle à la résilience et, ne serait-ce que pour cela, mérite qu’on s’y intéresse.

Bakhita, Véronique Olmi. Le Livre de poche, janvier 2019.

 

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