BIOGRAPHIE ROMANCÉE — Après avoir eu l’occasion de découvrir l’histoire de Catherine Parr, la dernière épouse d’Henri VIII, nous nous penchons aujourd’hui sur le destin hors norme de la Reine Victoria (1819-1901). Ou plus précisément, sur les deux hommes qui ont marqué son début de règne, d’après Daisy Goodwin, qui est également la scénariste de la série TV éponyme. Difficile, dans ces conditions, d’éviter la comparaison entre les deux supports.
Alors qu’elle vient tout juste d’avoir dix-huit ans, Alexandrina devient reine de Grande-Bretagne et d’Irlande. Dès lors, la jeune souveraine surprend tout le monde : elle abandonne son prénom détesté pour adopter celui de Victoria, insiste pour avoir ses propres appartements et est déterminée à rencontrer ses ministres seule à seul. L’un d’entre eux, Lord Melbourne qui est alors Premier Ministre, devient très vite son secrétaire particulier. Il aurait peut-être pu devenir davantage… si tout le monde n’avait pas soutenu que la reine devait épouser son cousin, le taciturne prince Albert. Mais ce que Victoria ignore encore c’est qu’en amour comme en politique, il ne faut pas se fier aux apparences.
Une grande partie du roman, pour ne pas dire la quasi-totalité, s’intéresse aux premières années de règne de Victoria et à sa relation avec Lord Melbourne. La jeune femme, à peine majeure, accède au trône sans réelle expérience du pouvoir. Elle cherche en premier lieu à s’émanciper de l’influence présentée comme assez néfaste de sa propre mère, la Duchesse de Kent, et de son conseiller personnel, Sir John Conroy. Elle rencontre en la personne de Lord Melbourne (ou Lord M comme elle se plaît à l’appeler tout au long du récit), alors Premier Ministre, un ami et un mentor.
Là où le bât blesse, c’est que le parti pris du roman est clairement de dépeindre cette relation comme une passion contrariée, un amour impossible contraint par le devoir et la nation (avec tout de même beaucoup de retenue pour nuancer le tout). Cela semble assez improbable et aurait sans doute gagné à être dépeint comme une relation d’un père avec sa fille, notamment au vu de leurs âges respectifs. C’est donc un peu dommage de baser les quatre cinquièmes d’un récit sur une relation qui n’a peut-être pas eu lieu alors qu’il y avait sans doute beaucoup à faire avec son histoire avec le Prince Albert, puisqu’il est de notoriété publique qu’ils ont éprouvé beaucoup d’affection l’un envers l’autre. Il est donc difficile de savoir à quel point cette histoire a été romancée, et ce malgré le fait que l’autrice se soit officiellement basée sur la correspondance et les journaux intimes de la Reine. Et le style peu travaillé du texte (sans pour autant être désagréable) ne parvient pas à rendre cet aspect là plus attractif.
Néanmoins, ce roman ne se contente pas de dépeindre les émois de Victoria et permet également de rentrer dans son intimité, ce qui est bien plus intéressant ! Parfois capricieuse et pas toujours avisée comme peut l’être une jeune femme à peine sortie de l’adolescence, Victoria tâtonne et, pleine de bonne volonté, elle apprend de ses erreurs. On la voit grandir, s’épanouir dans son rôle de souveraine et prendre de l’assurance ! L’intérêt de ce roman réside également dans le contexte historique qu’il parvient à dépeindre. On en découvre un peu plus sur l’Angleterre du XIXe siècle et sur les faits d’actualité marquants de l’époque. On songe notamment à l’affaire Flora Hastings, au couronnement de Victoria, au fonctionnement du gouvernement à l’époque, …
C’est donc un roman en demi-teinte qui souffre sans aucun doute d’avoir été créé en même temps que la série TV qui l’accompagne. Pas inintéressant mais pas follement révolutionnaire dans le genre non plus, on lui préférera peut être la série qui a le mérite de couvrir une plus grande période et donc d’aplanir ces quelques défauts. Longue vie à la Reine !
Victoria, Daisy Goodwin. Milady, mars 2019. Traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Julie Lauret-Noyal.
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