La Piste des cendres : petite pépite sur fond de (dé)colonisation

FANTASY — Plus besoin de vous présenter Emmanuel Chastellière. Avec lui, un seul mot d’ordre : la qualité ! Après une petite incursion du côté de la Lune avec Célestopol, on retourne aujourd’hui sur les terres coloniales de L’Empire du Léopard, pour une nouvelle aventure (qui n’est pas une suite) remplie de trahison, de vengeance et par dessus tout de liberté.

1896, Nouveau-Coronado. Azel est le fils illégitime d’un influent propriétaire terrien, le fruit de ses amours controversées avec une autochtone au moment de la colonisation de L’Empire. Ballotté entre des origines indigènes qu’il renie et une famille qui ne l’accepte pas, Azel a décidé de fuir. Il a préféré rejoindre les montagnes, où il se contente de jouer les chasseurs de primes. Pourtant, loin des hauts plateaux, la menace d’une guerre se profile dans la péninsule : le Nord, véritable grenier à blé, estime être exploité par le Sud, plus industriel, qui dispose d’un accès à l’océan grâce au port de Carthagène. Lorsque Azel accepte à contrecœur d’accompagner un convoi d’indigènes décidés à quitter leurs anciennes terres pour le Grand Exil, le jeune homme est loin d’imaginer qu’il va lui-même se retrouver entraîné dans cette guerre civile… et tout ce qu’elle risque fort de réveiller.

Si L’Empire du Léopard nous contait la conquête et la colonisation du Nouveau Coronado, La Piste des cendres s’attache plutôt à nous montrer les conséquences de celle-ci et les prémices d’une guerre d’indépendance. Les deux opus se lisent d’ailleurs de manière tout à fait indépendante mais la lecture des deux nous permet de suivre l’évolution du pays, que ce soit en terme d’architecture, de culture ou de technologies.
L’atmosphère place cette intrigue dans un environnement type Amérique du Sud (dans un cadre géographique proche de la Patagonie d’après les dires de l’auteur) à l’aube d’un XXe siècle. Mais il y a un petit côté western bien reconnaissable à travers les grandes plaines et le petit clin d’oeil aux chemins de fer, le tout sans jamais tomber dans le cliché des bagarres de saloons (ce qui rend la découverte du genre d’autant plus agréable !). Un cadre qui fait la part belle à la flintlock fantasy, caractérisée par l’utilisation des technologies de la révolution industrielle, dont l’électricité ! La magie, quant à elle, se fait plutôt discrète et renvoie aux croyances obscures des indigènes, dont l’alchimie, les fées et la vie éternelle.

Mais plus important encore, on y voit le devenir de ces enfants de la colonisation avec l’intégration toute relative des colons qui ont tout abandonné pour une nouvelle vie par-delà l’océan. En parallèle, le malaise des autochtones ne cesse quant à lui de grandir. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’aucune des deux factions en présence ne récolte le fruit de ses espérances. La situation géopolitique est complètement tendue et les indigènes semblent avoir enfin trouvé un leader en la personne du Loup Gris. La guerre civile gronde et tous les éléments sont en place pour que la situation dégénère.

Au cours de cette lecture, nous allons donc suivre deux groupes de personnages avec des dynamiques et des objectifs bien différents. Le premier axe concerne Azel et ses pérégrinations dans les montagnes : on verra comment il se retrouve bien malgré lui à la tête d’un convoi d’indigènes, lui qui ne voulait pas se mêler de politique. En parallèle, on retrouve Artemis Cortellan, l’ancien vice-roi de la colonie (et seul personnage commun aux deux opus … ou presque). Celui-ci se voit brusquement rappelé de son exil afin de briser la rébellion en cours. Avec lui, le récit prend une tournure toute militaire et stratégique. Toutes les factions en présence ont donc voix au chapitre pour nous donner leur version de l’histoire : à partir de là, ce n’est pas difficile d’établir des parallèles et de réfléchir à notre propre Histoire.

Cette histoire est passionnante, dure et cruelle souvent, et ne vous laissera pas insensible. Alors même si c’est une lecture exigeante qui demande un investissement certain, vous ne serez pas déçus du voyage. En espérant une autre rencontre dans cet univers !

La Piste des cendres, Emmanuel Chastellière. Critic, mars 2020.

 

Par Coralie.

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