Bordeterre : débordement immédiat

FANTASY JEUNESSE — Bordeterre était sans aucun doute l’une des sorties les plus attendues de ce début d’année 2020. Premier roman pour son auteure Julia Thévenot, première incursion dans le fantastique pour la collection Exprim’ de chez Sarbacane où il est publié, la curiosité était grande ! On ne fait pas durer le suspens plus longtemps, la magie a opéré.

Inès a 12 ans et elle vit avec sa mère, son grand frère Tristan et leur chien Pégase. Malgré son jeune âge, Inès est plutôt du genre bagarreur, et ce pour défendre Tristan, dont l’autisme le met parfois dans des situations pour le moins inconfortables. En vacances au camping, ils partent donc se promener tous les deux avec Pégase, qui les entraîne bien malgré eux vers un univers parallèle. Ils basculent donc tête la première vers Bordeterre, une ville étrange où des gamins chantent pour faire tourner les moulins, où les nouveaux arrivants (les Débordés) prennent une étrange teinte transparente et où les châtelains vont pêcher du quartz. Car l’univers est en fait constitué de trois plans : le second plan d’où viennent Inès et Tristan, le premier plan qui abrite Bordeterre et l’étrange plan Zéro. Leur arrivée ne passe pas exactement inaperçue, et autant Inès explore ce nouvel environnement avec une joie non dissimulée, autant Tristan est plus circonspect à ce propos. Pour lui, il y a quelque chose de pourri dans cette ville, et pas seulement parce que tous les nouveaux arrivants sont drogués pour oublier leur passé. Parviendra-t-il à mettre le doigt sur ce qui l’inquiète ? Que se cache-t-il réellement à Bordeterre ?

Ce qui est sûr, c’est que l’univers de Bordeterre est incroyablement riche et dense. Julia Thévenot a une imagination débordante et rend également hommage à ses maîtres à penser (J.K. Rowling, Philip Pullman, Christelle Dabos et Neil Gaiman entre autres) sans jamais tomber dans le bête copier-coller. Non seulement l’auteure fait honneur aux littératures de l’imaginaire, mais elle défend aussi le pouvoir des mots. Car ce sont eux qui sont au coeur de la magie qui a cours à Bordeterre. Pour allumer la lumière, guérir une blessure ou tenter de voler, les mots sont partout, particulièrement transcendés dans les nombreuses paroles de chansons françaises, de comptines ou dans les extraits de poèmes qui émaillent le récit. Mais cette magie n’est pas en libre accès et la noblesse de Bordeterre a tout mis en place pour la limiter et la contrôler dans les basses sphères du peuple.

Ce qui, vous en conviendrez, est particulièrement injuste. Et les injustices sont légion à Bordeterre : esclavagisme, discrimination, censure et pauvreté pour ne citer qu’elles. Le peuple est fatigué de cette situation et des réseaux secrets commencent à s’organiser : la révolution n’est pas loin. Et celle-ci, pour une thématique rarement abordée en fantastique jeunesse, est drôlement bien traitée : car Julia Thévenot place ses informations sans être trop insistante ni s’appesantir sur le négatif et c’est au lecteur d’en tirer les conclusions.

Si le coup de coeur n’est pas absolu (la faute à quelques longueurs dans le récit et des difficultés à rentrer dans ce nouveau monde), cela reste une lecture plus qu’excellente. On conseillera donc au plus grand nombre d’entre vous de se plonger dans ce nouvel univers (qui le mérite !) et de vous faire votre propre opinion :  nul doute que la plupart tomberont sous son charme, que vous ayez 12 ou 70 ans !

Bordeterre, Julia Thévenot. Sarbacane, mars 2020.

Par Coralie.

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