ROMANCE HISTORIQUE — Diplômée d’une maîtrise d’Histoire d’une prestigieuse université anglaise, c’est pourtant outre Atlantique que Daisy Goodwin a choisi d’étudier le cinéma. Forte de ces deux formations, elle produit aujourd’hui des émissions télévisées et écrit des romans. Et vous avez sans doute entendu parler des deux puisqu’elle est à l’origine de la série éponyme sur Victoria et du livre qui en découle, que nous vous avons présentés ! Nous découvrons aujourd’hui son premier roman, intitulé La Dernière duchesse.
Cora est une jeune fille accomplie et choyée : elle est belle, pleine d’esprit et elle est l’héritière d’une fortune colossale. Mais sa mère rêve de la seule chose qu’elle ne pourra pas lui acheter en Amérique : un titre de noblesse. Envoyée à dessein de l’autre côté de l’Atlantique, Cora fait forte impression auprès de l’aristocratie anglaise. Rapidement, le hasard la met sur la route d’un bon parti : le beau et mystérieux duc de Wareham. Mais la jeune femme a tôt fait de déchanter. Ce monde impitoyable regorge de pièges et de trahisons susceptibles de provoquer la chute de cette délicieuse Américaine… Car son mari, sa belle-mère et nombre des gens qu’elle va désormais fréquenter vont se faire un plaisir de lui rappeler qu’elle n’est pas duchesse de naissance !
À l’image de son auteure, ce roman permet la rencontre fracassante entre les traditions de l’Angleterre et la modernité des États-Unis à la fin du XIXe siècle. Car il fut une époque où nombre de domaines de l’aristocratie anglaise tombaient en décrépitude faute d’argent. À côté de cela, quantité de familles américaines ont fait fortune à cette époque et ont cherché du côté de l’Ancien Continent une certaine forme de légitimité à travers des titres. Les mariages de ce genre ne furent donc pas rares tant la transaction bénéficiait aux 2 partis. Et ce livre illustre à merveille la quantité d’ajustements nécessaires à faire, notamment à cause des différences culturelles entre les deux nations. À travers la mère de Cora, par exemple, on voit bien toute la fascination qu’exerce la monarchie britannique sur une républicaine convaincue : c’est à la fois extrêmement intriguant et en même temps terriblement anti-démocratique pour quelqu’un qui n’a connu que le système américain.
L’autre force de ce roman, ce sont les petits détails sur le quotidien de l’époque, distillés avec parcimonie tout au long du récit. On y découvre l’étiquette en vigueur dans les années 1890 en Angleterre, le racisme latent en Amérique ou bien encore le dessous des réceptions de l’époque. Les informations sont toujours placées avec justesse et subtilité et c’est très plaisant d’en apprendre plus de cette manière ! C’est notamment le cas quand on suit Bertha, la femme de chambre de Cora. Femme de couleur et isolée loin de sa famille, la jeune femme est également mise à l’écart des autres domestiques en Angleterre. C’est l’occasion rêvée d’observer les différences de moeurs entre les deux nations.
Contrairement à ce que pourrait laisser croire le résumé, ce n’est pas une histoire d’amour complètement niaise que Daisy Goodwin nous livre là. En effet, l’héroïne a un sacré caractère qui permet de s’affranchir de toutes ces considérations. Elle frôlerait même l’adjectif imbuvable au début du livre tant elle est sûre de pouvoir s’acheter son bon droit avec la fortune familiale. La première partie du livre joue d’ailleurs sur ce tableau : les descriptions et l’étalage de richesse sont à la limite de l’indécence. Et puis ses doutes, ses espoirs et sa jeunesse finissent assez vite par transparaître pour nous rendre Cora attachante. Les émotions de la seconde moitié prennent le pas sur le luxe et se révèlent tout à fait justes. Car la pauvre duchesse s’est peut-être acheté un titre, mais a priori pas le bonheur qui va avec. Et c’est sous des pierres précieuses et des étoffes soyeuses qu’elle va tenter de dissimuler son chagrin.
C’est donc un roman qui dépeint la collision entre l’ancien et le nouveau monde, entre les États-Unis et l’Amérique. Le récit est porté à bout de bras par une héroïne tour à tour agaçante et touchante, qui se dévoile de plus en plus, bien loin des clichés attendus. Si vous aimez les romans historiques, intéressez vous donc à ce titre !
La Dernière duchesse, Daisy Goodwin. Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Nine Cordier. Hauteville, réédition juin 2020.
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