OHIO — Attention, voilà un bel OVNI littéraire : de prime abord, le roman de Grady Hendrix ressemble à un catalogue Ikea, et ce n’est qu’au deuxième regard que l’on y reconnaît une oeuvre de fiction. Milan et demi a joué à fond la carte de la ressemblance entre Orsk, la chaîne de magasins du roman et les célèbres magasins suédois. À l’intérieur, les références sont tout aussi poussées, de la présentation de l’auteur en forme de badge d’employé au faux formulaire de commande de meubles : l’effet est garanti !
Dans l’imagination de Grady Hendrix, Orsk est une chaîne de magasins d’ameublement implantée aux États-Unis, que l’auteur décrit lui-même comme une version low-cost d’Ikea. Amy y travaille depuis plusieurs années, sans grand enthousiasme (euphémisme). Son salaire lui permet à peine de survivre et son responsable, Basil, l’a visiblement dans le nez. Amy espère prochainement être mutée, d’autant qu’il se passe des choses assez étranges dans le magasin de l’Ohio où elle travaille. Bien décidé à mettre la main sur le vandale qui salit le magasin et multiplie les mauvaises blagues pendant la nuit, Basil lui demande, à elle et à une de ses collègues, de l’aider à patrouiller dans les allées une fois la nuit venue. En échange, il appuiera sa demande de mutation. Amy n’a donc d’autre choix que de dire oui.
Au vu des événements de la nuit en question, Amy aurait mieux fait de s’abstenir : l’absurde, puis l’horreur s’invitent bientôt au magasin Orsk ! La nuit sera mémorable…
Le principal atout de ce roman, on l’a vu, c’est la parodie à peine déguisée d’Ikea, aussi bien dans le design de la couverture que dans celui des pages intérieures. Grady Hendrix n’hésite pas non plus à détourner le mode de vie Ikea pour en tirer des mantras dignes d’une secte (ou d’un mauvais manuel de développement personnel). Dans cet univers où tout doit n’être que sourire et optimisme, Amy fait office de cynique de service. Elle est mal payée, grognon, et semble être la seule employée de l’équipe à considérer son emploi comme un mal nécessaire, et non une vocation. Si jamais elle devait être virée, elle sait qu’elle aura du mal à trouver un boulot payé davantage que le strict minimum légal, et qu’elle devra probablement quitter sa colocation pour retourner vivre dans le mobil-home de sa mère. On peut y voir au passage une description de l’existence précaire des jeunes Américains sans diplôme, qui enchaînent les emplois dans la vente, à la merci d’un boss un peu trop zélé ou des aléas économiques de leur entreprise…
Et voilà que notre jeune héroïne se retrouve assiégée dans un magasin hanté… Car avant d’être un magasin de meubles, l’emplacement était un marécage… et avant cela… Vous n’avez qu’à deviner ! Pour Amy, manquait plus que ça ! C’est là que la partie « horreur » du roman entre en scène. Celle-ci est honnête, mais pas transcendante. Encore une fois, c’est l’esthétisme du livre qui marquera davantage le lecteur, qui voit les têtes de chapitre, qui détaillent chacun un objet du catalogue, se transformer en énumération d’instruments de torture… Ambiance garantie ! On ne vous cachera pas cependant que ce roman d’horreur pas comme les autres se lit avec fluidité et un certain plaisir, même s’il ne restera probablement pas dans les mémoires…
Horrorstör, Grady Hendrix. Milan et demi, 2015. Traduit de l’anglais par Amélie Sarn.
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