FANTASTIQUE — Nous avions découvert David Bry en 2019, lors d’un séjour au festival des Imaginales. Il était en effet coup de cœur de cette édition, et à cette occasion, nous avions pu nous procurer deux de ses titres (Que passe l’hiver et Le Garçon et la ville qui ne souriait plus). Après ces incursions du côté de la fantasy nordique et de l’uchronie jeunesse, Café Powell vous propose de découvrir aujourd’hui un autre titre de l’auteur à l’occasion de sa réédition chez Pocket. Il s’agit de La Princesse au visage de nuit, un polar fantastique qui vient tout juste d’être lauréat du Prix Imaginales des Lycéens 2022. Devinez quoi ? C’est amplement mérité !
Cela fait vingt ans qu’Hugo a quitté son village natal, perdu entre un bois sombre et une large rivière. Vingt ans qu’il tente de laisser derrière lui les drames qui l’ont vu grandir, son enfance meurtrie et la disparition de ses amis alors qu’ils cherchaient ensemble la princesse au visage de nuit, une figure du folklore local. Mais le décès soudain de ses parents dans un étrange accident de voiture l’oblige à remettre les pieds dans son village, et le jeune homme constate que rien ou presque n’a changé. L’orage gronde sans cesse, le vent murmure le nom des enfants disparus et les lucioles dansent au milieu du brouillard.
Devenu adulte, Hugo osera-t-il affronter ses peurs enfantines et partir à la recherche de la princesse au visage de nuit ? Osera-t-il revivre cette fameuse nuit d’orage où la réalité a basculé ?
David Bry nous livre là un récit dur mais nécessaire. Il nous raconte les enfances trop souvent brisées et les blessures toujours béantes à l’âge adulte. Le fantastique permet dans ce contexte de transmettre toute la détresse de ce village. Malgré cette noirceur, l’auteur nous transmet la force de la résilience des personnages. Car si Hugo est bien le personnage principal, ce n’est pas le seul être cabossé des environs. Il est également accompagné, voire porté, par sa bande de potes parisiens ainsi que par Anne, un des vestiges de son enfance. Au milieu des ténèbres, l’amitié est un don précieux qui peut apporter de la lumière à ceux qui en ont besoin. Une belle leçon !
Le mélange des genres fonctionne ici à merveille et ni le polar ni le fantastique ne sont laissés à la traîne. L’ambiance est soignée : oppressante, sombre et angoissante, elle reste ancrée dans le réel malgré les relents de fantastique. Il en résulte un récit qui frôle le conte, dans tout ce qu’il y a de plus sombre et de plus moderne, notamment dans sa construction des personnages qui sont parfois un peu stéréotypés. Si l’auteur emprunte à dessein certains éléments classiques de ces différents genres, il ne tombe jamais dans le piège de la facilité ou du déjà-vu. David Bry a également choisi un schéma de narration efficace qui participe grandement à l’effet page-turner du livre : il enchaîne des chapitres courts et efficaces qui font monter la tension avec des flashbacks. Le parallèle entre les deux est d’autant plus frappant qu’il met en jeu l’innocence de l’enfance à la lumière des drames que le lecteur connaît d’avance.
La Princesse au visage de nuit est donc une bonne surprise. À la croisée des genres, ce roman traite de thèmes difficiles et alterne entre enquête, reconstruction et fantastique. Plutôt que de jouer sur les retournements de situation, ce roman nous tient par les sentiments, nous amène à nous remémorer notre enfance et nous maintient en apnée jusqu’au dénouement final … David Bry maîtrise vraiment tous les styles de l’Imaginaire !
La Princesse au visage de nuit, David Bry. Éditions de l’Homme sans nom, 2020. Pocket, 2022.
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