ROMAN CORÉEN — Frances Cha est une autrice américaine, qui a grandi entre les Texas, Hong Kong, et la Corée du Sud. On vous présente aujourd’hui son premier roman, Si j’avais ton visage, qui raconte l’histoire de plusieurs jeunes femmes évoluant dans un monde défini par des normes impossibles à atteindre …
Kyuri, une femme d’une éblouissante beauté, occupe enfin l’emploi de ses rêves dans un bar à hôtesses de Séoul, un établissement haut de gamme où elle pousse les hommes à consommer de l’alcool. Bien qu’elle se targue d’une approche froide et lucide de l’existence, elle risque son gagne-pain sur un coup de tête.
Miho, sa colocataire, une talentueuse artiste élevée à l’orphelinat, a décroché une bourse pour étudier à New York. Rentrée en Corée, elle est prise dans une relation fragile avec l’héritier de l’une des plus grandes entreprises du pays.
Au même étage de leur immeuble vit Ara, une coiffeuse qui ne pense qu’à deux choses : l’un des membres d’un groupe star de K-Pop auquel elle voue un culte obsessionnel, et sa meilleure amie qui économise pour s’offrir des opérations de chirurgie plastique et ainsi accéder à une vie meilleure.
À l’étage au-dessous, Wonna, une jeune mariée, essaie de concevoir un enfant qu’elle et son mari n’ont pas les moyens d’entretenir tant le climat économique de la Corée est brutal.
Entremêlées, leurs histoires forment un conte à la fois étrange et universel, dans lequel l’amitié offre un dernier refuge.
Ce roman nous fait donc découvrir les destins croisés de cinq jeunes femmes unies par une amitié parfois un peu incertaine. Malheureusement, l’ensemble est un peu décousu et on peine à comprendre ce qui rassemble les personnages. Une distance s’installe donc dès le début et empêche de s’attacher aux jeunes femmes … C’est un peu dommage car cela rend le message moins percutant, d’autant plus dans le contexte assez marqué d’inégalités de genre dépeint par l’autrice.
Malgré cela, les questions posées et les thèmes abordés sont des plus intéressants. À travers ce roman, l’autrice nous livre certaines clés de compréhension de la culture et des mœurs coréennes. On découvre ainsi que la beauté et l’apparence physique sont de première importance, et que cela engendre même un business considérable, notamment dans le domaine de la chirurgie esthétique. Les héroïnes du roman n’hésitent d’ailleurs pas à user et abuser en nombre des opérations visant à complètement remodeler leur visage, quitte à souffrir le martyr pour arriver à leurs fins. Malgré des parcours différents, les quatre jeunes femmes sont persuadées que leur apparence physique sera la clef de leur bonheur, renvoyant ainsi le lecteur face à ses propres interrogations. Mais cela suffira-t-il à abolir les inégalités de la société actuelle ? Cette perfection que les femmes cherchent à atteindre pour s’émanciper sonne finalement plutôt comme un asservissement …
Si j’avais ton visage est donc un roman à la fois fascinant et déstabilisant. Si le style peut laisser de marbre, il n’empêche que les sujets abordés valent néanmoins le coup d’œil.
Si j’avais ton visage, Frances Cha. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Claire Allouch. Hauteville, janvier 2023
Soyez le premier à commenter