ROMAN AMÉRICAIN — S’affranchir de ces parents : n’est-ce pas notre lot à tous, lorsqu’il s’agit de passer à l’âge adulte ? C’est ce que s’efforce de faire Casey Han dans le New York des années 90.
Casey est belle, intelligente, ambitieuse et vénale : c’est plus fort qu’elle, même si elle n’a pas l’argent, elle aime les jolies choses, celles qui coûtent cher. Fille aînée d’un couple d’immigrés coréens qui tient un pressing, la jeune femme a pu faire des études à Princeton malgré un milieu modeste. Elle fait la fierté de ses parents… jusqu’à ce qu’elle décide de prendre un chemin différent. Elle refuse de faire l’école de droit pour laquelle elle a été acceptée. Une dispute et ça y est, la rupture avec le patriarche est consommée : elle quitte l’appartement familiale pour tracer son chemin de son côté.
Vie et grandeur de Casey Han dans le New York étonnamment naïf des années 90 : c’est le Manhattan de Friends, celui d’avant le 11 septembre et d’avant la crise des subprimes. Un New York qui peut cependant vous consumer tout entier : la vie y est très chère, les tentations permanentes. Si on veut être à la hauteur de la ville, il faut en avoir les moyens. Casey use de tous les stratagèmes possibles pour survivre. Pour pouvoir se payer des belles robes, elle rogne sur son budget nourriture. Elle se faire héberger pour économiser l’argent du loyer. C’est la débrouille avec, en ligne de mire, la perspective de faire carrière et d’être, enfin, débarrassée des problèmes financiers. En filigrane, c’est l’Amérique prisonnière de ses cartes de crédit qui se dessine.
Le roman dresse le portrait de la diaspora coréenne, et des immigrés de première et de deuxième génération. Il y a Casey, sa soeur et ses parents, mais pas que : d’autres personnages croisent la route de l’héroïne et proposent un panel assez complet. Tous essaient de trouver leur place dans cette Amérique multiculturelle, et la jeune génération en particulier se trouve souvent déchirée entre le mode de vie coréen traditionnel et The American Way of Life.
C’est un très bon roman, qui, bien que massif, se lit avec fluidité : les pages défilent et le parcours de Casey, à la personnalité ambivalente, à la fois égocentrique et touchante, passionne facilement le lecteur. En somme : on recommande. Mieux : on lire volontiers Pachinko, le roman précédent de l’autrice, qui a connu un grand succès !
La Famille Han, Min Jin Lee. Charleston, février 2023. Traduit par Laura Bourgeois.
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