SCIENCE-FICTION — Après une première carrière dans l’aéronautique navale, Sylvie Poulain s’est lancée dans l’écriture. Ses deux premières parutions, en collaboration avec Benjamin Lupu et au sein d’une anthologie consacrée au Paris des merveilles ont été remarquées. La voici qui revient avec un troisième titre dans un genre un brin différent, puisqu’elle se lance dans une trilogie de science-fiction !
XXIVe siècle. La Terre a connu un emballement climatique suivi d’un effondrement de la civilisation terrestre. Les rescapés tentent de se réinventer sous l’eau, au sein de cités sous-marines interdépendantes et dans un esprit d’harmonie, du moins sur le papier, car les vieilles tares de l’humanité ne se sont évidemment pas noyées.
En Atlantique Nord, la belliqueuse Atlantis flirte avec les limites de son mandat de protection, aiguillonnée par Atlas, l’IA qui la dirige ; les sous-marins de la Hanse, l’entité commerciale indépendante, participent de leur côté à de dangereux jeux d’influence. Les tensions se cristallisent subitement autour de Providence, une mystérieuse station abyssale qui refuse de se soumettre, et vit en autarcie depuis des décennies.
Alors qu’une invasion tourne à la catastrophe, qu’un sous-marin hanséatique essaie de récupérer les miettes du conflit, et que les secrets de Providence échappent aux Atlantes, Wolf Douglas, un sous-officier vétéran, découvre Jihane, une jeune survivante de la station Providence, qui ne ressemble à rien de ce à quoi il est accoutumé. Malgré leurs différences et leurs a-priori, le militaire et l’adolescente doivent coopérer, mais aussi faire des choix lourds de conséquences alors qu’ils sont pris dans un jeu de pouvoir qui les dépasse…
Le début du roman nous plonge in medias res : le sous-marin atlante est aux abords de la station abyssale de Providence, prêt à attaquer pour soumettre les “rebelles”, tandis qu’un sous-marin hanséatique rôde aux alentours, attendant de voir comment vont tourner les choses.
Il faut le dire : le début peut sembler un peu touffu, car l’on saute d’un point de vue à l’autre, ce qui permet certes de mieux saisir les tenants et aboutissants, mais qui demande au départ une petite gymnastique mentale afin de bien saisir qui fait quoi et surtout : qui est avec (ou contre) qui !
De fait, le roman se fonde sur un grand nombre de personnages assez divers, issus des différents bords : on suit alternativement les membres des différents équipages et Jihane, de la station de Providence. Un procédé narratif classique, mais qui a fait ses preuves et qui fonctionne ici parfaitement. En effet, il apparaît assez vite que chacun est motivé par la cause qu’il sert ou par des enjeux personnels parfois troubles, ce qui ajoute au suspense ambiant.
Celui-ci est bien soutenu par le rythme du récit : des chapitres courts, une alternance de scènes calmes et de concentrés d’actions, le tout saupoudré de quelques scènes qui collent des sueurs froides, et où il va être question de limite d’oxygène, de bestioles affamées à grandes dents ou encore de pression trop importante pour les coques ! Difficile de s’arrêter de lire entre deux chapitres !
Et c’est parfait, car cet opus fait vraiment office d’introduction à l’univers, comme aux différents enjeux qui se croisent.
L’univers nous est partiellement connu, puisque l’intrigue se déroule sous les eaux certes, mais celles de la planète Terre. Malgré cela, et en raison du contexte post-apocalyptique, le tout repose sur une construction d’univers assez précise : ce sont les enjeux géopolitiques qui, ici, font tout le sel – si l’on ose – de l’univers. En effet, depuis la montée des eaux, la planète est divisée en grandes zones où cohabitent pacifiquement toutes les nations. La sécurité y est assurée par une nation par zone, sur accord commun – les Atlantes, dans la zone qui nous intéresse. Chaque nation a gardé ses productions spécifiques, et la circulation des marchandises est assurée par un réseau commercial neutre, La Hanse, qui se charge de ces transports vitaux aux uns comme aux autres. Voilà pour le décor.
Évidemment, au fil des chapitres, cet ordre mondial, comme le concept de la nation neutre, sont questionnés, voire remis en cause, dans des arcs narratifs secondaires qui lorgnent clairement vers l’espionnage.
Car c’est un autre point fort du roman : le mélange d’influences. On est dans de la science-fiction, tendance anticipation post-apocalyptique tirant sur la dystopie. Mais ce n’est pas tout ! On décèle des influences de cyberpunk (dans l’esthétique notamment), de space opera (car sous l’eau ou dans l’espace, même combat), de SF militaire et même un brin d’espionnage qui vient pimenter le tout. C’est aussi ce qui rend l’ensemble si prenant, et la lecture si palpitante !
Ce qui naît des abysses est donc une introduction très réussie à une nouvelle série de science-fiction qui sait reprendre des éléments maintes fois rebattus pour en tirer le meilleur. C’est un pavé, mais un pavé très prenant, qui nous entraîne dans un récit aux enjeux multiples et parfaitement mis en scène. Une chose est sûre, on a hâte de lire la suite !
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