CONTEMPORAINE JEUNESSE — Après deux tomes consacrés respectivement à l’année de première et celle de terminale de ses héroïnes, Samantha Bailly nous fait retrouver Lou et Sonia, désormais en première année d’études supérieures, respectivement aux Gobelins et en faculté de philo !
Sonia et Lou ont tout affronté ensemble ces dernières années : le regard des autres, l’adolescence, les premiers émois et les choix d’orientation. Pour cela, elles ont dû batailler ferme et tenir tête à leurs familles respectives. Mais les deux jeunes filles ont enfin leur bac en poche et les voilà en train de réaliser leurs rêves : s’installer à Paris, loin des leurs, et s’inscrire dans des établissements prestigieux en adéquation avec leur passion (la Sorbonne pour Sonia, les Gobelins pour Lou). Vive la liberté, la fin des injonctions parentales et place à la colocation ! Les deux jeunes filles ont des caractères très différents et il s’avère assez vite que leurs façons de vivre sont, elles aussi, diamétralement opposées. Alors que Sonia profite des petits plaisirs de la vie étudiante et des fêtes étourdissantes, Lou s’investit à fond dans ses études aux Gobelins et s’enfonce dans le rythme des devoirs à rendre. L’année s’annonce pour le moins électrique !
Tout comme ses protagonistes, cette série de roman a grandi et mûri. Les préoccupations de Lou et Sonia ont en conséquence évolué : elles apprennent désormais à concilier leurs études supérieures avec leur toute nouvelle indépendance. L’accent est donc moins mis sur la création et plus sur leur nouvelle vie, qui demande des ajustements des deux côtés. Cette série de changements va d’ailleurs induire de grosses remises en question, notamment des éducations qu’elles ont reçues et des valeurs qu’elles ont pu en tirer. Il est particulièrement amusant de voir comment les caractères des deux filles vont finalement se révéler aux antipodes de leurs modèles familiaux respectifs ! Et de force de caractère, elles vont en avoir besoin puisque le quotidien n’est malheureusement pas toujours tout rose. Elles vont devoir, comme tout un chacun, affronter leur lot d’échecs (que ce soit au niveau scolaire ou éditorial) et de pertes. On a donc affaire à un roman très ancré dans la réalité et résolument contemporain. À ce propos, le lecteur attentif pourra d’ailleurs trouver des clins d’œil très nets (à des produits ou à des Booktubeuses par exemple). Cela parlera sans aucun doute à de nombreux lecteurs, mais aura malheureusement tendance à en sortir quelques autres de la fiction.
Par ailleurs, malgré la bonne entente qui règne entre elles, quelques dissensions apparaissent entre Lou et Sonia : la colocation est, en effet, un art délicat, qu’il faut apprendre sur le tas, et dont Samantha Bailly décrit très bien les affres. Heureusement, leur relation reste très forte et ressortira grandie des hauts et bas qu’elles traversent et c’est sans doute ce qui rend les deux filles si touchantes.
Dans les deux premiers tomes, on les voyait évoluer séparément, chacune dans sa sphère d’amis et de relations : ici, celles-ci s’entrecroisent et le thème des relations devient central. En entamant leur première année d’étude, elles ont acquis l’indépendance mais, paradoxalement, s’aperçoivent qu’elles font plus que jamais partie d’un réseau de personnes. La famille, les amis (et les petits amis !) sont au centre de leurs préoccupations et de leurs actions et cela entraîne une réflexion vraiment intéressante sur l’humain en tant qu’animal social. De ce point de vue-là, elles traversent des épreuves et questionnements qui ne seront pas étrangers aux lecteurs : faut-il dire la vérité à ses proches au risque de les blesser ? Faut-il se conformer à leurs attentes ou prendre le risque d’être soi-même ?
Autant de questions que chaque lecteur s’est sans doute déjà posées !
Samantha Bailly clôture sa série Nos âmes par ce troisième tome un peu plus adulte. Elle aura, à travers ces trois livres (Nos âmes jumelles, Nos âmes rebelles, Nos âmes plurielles) su décrire le délicat passage à l’âge adulte, le goût doux et amer de l’adolescence, la force des passions et la complexité des relations humaines. Elle tire de cette époque un peu floue, où l’on est libéré du carcan familial tout en étant un peu perdu, un portrait aussi juste que touchant.
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