Aspirine, portrait d’une ado immortelle en colère !

Aspirine, Joann Sfar

BD — Joann Sfar est un touche à tout prolifique de la littérature française : tour à tour auteur BD, illustrateur, romancier, réalisateur et chroniqueur, il est également l’une des voix qui s’élève en ce moment pour défendre le régime des auteurs. Si vous suivez l’actualité littéraire, vous n’avez sans aucun doute pas pu passer à côté des différentes réformes qui entourent le statut des auteurs et qui ont été faites sans consultation avec le corps de métier concerné. À cette occasion, une quarantaine d’auteurs ont d’ailleurs signé une lettre ouverte adressée à la ministre de la Culture, avec, en tête de file, Joann Sfar. Il profite d’ailleurs de la promotion de sa dernière BD parue aux éditions Rue de Sèvres et intitulée Aspirine pour tirer la sonnette d’alarme. C’est ce titre que nous vous présentons aujourd’hui chez Café Powell.

Aspirine est une jeune vampire de 17 ans, bloquée depuis 300 ans en pleine crise d’adolescence, ce qui commence à faire un peu long. Elle suit des études de philosophie à la Sorbonne et vit en colocation avec sa sœur, qui elle a eu le bon goût d’être transformée à 23 ans. Mais Aspirine ne supporte plus sa condition : elle tourne en rond, condamnée pour l’éternité à revivre toujours les mêmes épisodes ingrats liés à son âge apparent et elle est rongée par la colère. Pour passer ses nerfs, Aspirine a une petite astuce : elle zigouille tous les hommes qui passent à portée de main. Son prof de philo, les amants de sa sœur, les harceleurs de rue, … Personne ne trouve grâce à ses yeux. Sauf peut être Yidgor, un de ses camarades de classe : garçon maladroit, un peu no-life et 100% geek, qui est attiré par Aspirine et tout le côté fantastique qu’elle représente. À travers elle, il espère vivre l’expérience de sa vie, et pour ce faire, il est même prêt à devenir son serviteur ! Va-t-il réussir à apaiser Aspirine et ses pulsions mortifères ?

Aspirine, Joann Sfar

Cette BD prend la forme d’un conte, moderne, éclectique et bourré de références, qui illustre à merveille le mal être d’une adolescente peinant à trouver sa place dans la société. Chez une adolescente classique (comprenez humaine), le malaise est sans doute déjà palpable, mais quand en plus ladite adolescente est une vampire depuis 300 ans, les pulsions prennent une toute autre dimension. Mais sa quête est malgré tout universelle et intemporelle : il s’agit de trouver un sens à sa vie, qu’elle soit éphémère ou pour l’éternité ! Malgré son âge, Aspirine se fait la porte parole de la jeunesse d’aujourd’hui : désabusée par le monde qu’elle a reçu en héritage, fatiguée des conflits, et pourtant, inexorablement en colère et révoltée …

Côté format, cette BD est un peu particulière puisqu’elle n’est pas bridée par les 46 planches classiquement utilisées : il en résulte une BD plus longue de 140 pages, où l’histoire peut prendre toute son ampleur. C’est donc un format idéal pour les one-shot (ou pour un début de série où il faut poser les bases). Aspirine et sa sœur Josacine n’en sont d’ailleurs pas à leur coup d’essai puisqu’elles sont apparues de manière sporadique dans d’autres œuvres de Joann Sfar comme Grand Vampire et L’homme-Arbre.

La plume de Joann Sfar, caustique à souhait, ne peut s’empêcher de laisser transparaître un côté romantique, voire poétique, entre deux massacres et deux références parfois un peu potaches. Le mélange des genres est donc très agréable et nous permet d’entrer sans difficulté dans le quotidien d’Aspirine et de sa sœur, et d’une certaine manière, de s’identifier à cette jeunesse désabusée.

Aspirine, Joann Sfar ; mise en couleurs par Brigitte Findakly. Rue de Sèvres, juin 2018.

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