PREMIER TOME — Traduit dans vingt-sept pays, en cours d’adaptation avec Emma Watson, le premier tome de la trilogie fantasy La Reine du Tearling est arrivé en France auréolé de succès. Mais que vaut ce roman ?
Eh bien, pour être honnête : c’est pas mal du tout ! C’est un roman aux confins de plusieurs genres : on pourrait dans un premier temps estimer que c’est un récit young adult, au sens où il s’agit indéniablement d’un roman d’apprentissage dans lequel nous voyons une jeune fille élevée en recluse devenir une reine au fil des pages. Pourtant, le propos est probablement trop dur pour que l’on puisse ranger ce roman dans un rayon jeunesse… Ensuite, on a bien envie de le ranger en fantasy (à défaut de mieux), dans la mesure où le Tearling est un pays imaginaire, d’apparence moyenâgeuse… de prime abord. Mais bientôt des indices nous perturbent. Des références à JK Rowling, à Tolkien. À une Amérique plus développée. À un savoir qui se serait perdu. Et on comprend bien vite qu’en fait, La Reine du Tearling se passe dans le futur, et que quelque chose a tourné vraiment, vraiment mal. On pourrait même parler d’une utopie qui a échoué. Donc, inclassable, La Reine du Tearling ? Oui, un peu.
Ce background mystérieux intrigue, forcément, car, pour comprendre le destin de l’héroïne, il faut sans doute pouvoir appréhender son pays, le Tearling qui, au vu des informations glanées ici et là, ressemble à une péninsule ibérique retombée dans le passé. Ce premier tome, de ce point de vue là, se contente de jeter les bases et d’appâter le lecteur. Mission réussie : on a vraiment envie d’en savoir plus.
Le Tearling est donc un pays moribond, dont la population, peu éduquée, meurt de faim. L’administration est corrompue, l’esclavage une réalité. Cela fait près de vingt ans que la nation est régie par un dirigeant sans imagination ni ambition, qui passe ses journées à se divertir avec son harem, plutôt qu’à légiférer ou administrer. Depuis presque vingt ans, le pays attend sa reine légitime, Kelsea, qui a grandi en exil pour la protéger des assassins. À l’âge de dix-neuf ans, une escouade de gardes loyaux vient la sortir de son autarcie pour la faire monter sur le trône. Même si Kelsea a été préparée toute sa vie à cette fin, la jeune fille va devoir s’accrocher sévèrement : on lui a tu l’état désastreux dans lequel se trouve son pays, et les détails du traité de paix avec le puissant et terrible voisin, Mortmesne. Et pour ne pas arranger les choses, le dirigeant actuel, son oncle, aimerait bien la voir morte. Kelsea va donc devoir apprendre à régner… tout en veillant à ne pas se faire zigouiller.
Roman d’apprentissage, donc, avec un contexte socio-politique indéniablement fantasy dans un futur peu reluisant, avec au premier plan un personnage principal un brin rebelle et impulsif, comme le sont souvent les héroïnes young adult. Voilà donc pour la confusion des genres. Mais passe-t-on un bon moment ? Oui ! Car si les questions s’enchaînent, c’est pour mieux ferrer le lecteur. Si les péripéties pleuvent, c’est pour mieux montrer l’instabilité de la position de l’héroïne. Le tout s’entremêle pour former un roman extrêmement divertissant, avec de la magie, de l’action, et les doutes d’un personnage principal à peine adulte, mais avec des responsabilités gigantesques. Si certaines choses posent question, le lecteur s’attend clairement à en voir la résolution dans la suite de la trilogie… qu’il lira avec grand plaisir. Pour ce qui est d’introduire un univers et ses personnages, Erika Johansen s’en tire à merveille. Les fans hardcore de fantasy, qui jugent leurs lectures à l’aune des plus grands, resteront probablement un peu sur leur faim, mais tous les autres apprécieront sûrement un récit d’aventure bien ficelé et prometteur.
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