FANTASY JEUNESSE — Les éditions Lumen, tournées vers les littératures de l’imaginaire adressées aux adolescents et jeunes adultes, ajoutent peu à peu à leur catalogue des séries destinées aux lecteurs un peu plus jeunes. Après l’excellente série Gardiens des cités perdues, c’est au tour des Entremondes de Sean Easley, de venir enrichir le fonds !
Cameron, 12 ans, a une vie de famille un peu compliquée. Son père l’a abandonné alors qu’il n’était qu’un bébé : un soir d’hiver, celui-ci a tout simplement déposé Cameron et sa sœur jumelle Cassia sous le porche d’Oma, leur grand-mère. Depuis, il a purement et simplement disparu. Seules traces de son existence : deux pendentifs de bois en forme de pièces, aux inscriptions quasi effacées. Or, depuis quelques temps, Cameron se met à faire des rêves de plus en plus étranges. Jusqu’au jour où, derrière la porte vitrée d’un magasin, il découvre par hasard un immense hall d’hôtel. La surprise est double car Cameron est persuadé que cette petite boutique ne peut dissimuler un si grand hall. Mais le personnel de l’hôtel est lui aussi sous le choc : d’habitude, on ne peut pénétrer dans ce lieu magique que sur invitation, car l’Hôtel Invisible n’est pas qu’un simple lieu de villégiature : chacune des portes s’ouvre en effet sur un pays différent et permet de voyager entre les continents avec beaucoup de facilité !
La seule explication à la découverte de Cam réside dans la pièce qu’il porte autour du cou. Quel est son lien avec l’hôtel ? Serait-il possible que son père y ait autrefois travaillé ? L’endroit lui semble donc idéal pour mener son enquête, dans l’idée de ramener à la maison ce père disparu. Mais, bien vite, le doute s’empare du jeune garçon : les Femmes de Chambre ressemblent à une armée, l’établissement regorge de passage dérobés, des objets se déplacent seuls et certains membres du personnel ont de drôles de comportements. L’hôtel, doué de conscience, serait-il maléfique ? L’arrivée de Cam est-elle vraiment due au pur hasard ?
Clairement, on a là le digne successeur à la sémillante Sophie Foster des Gardiens ! Cameron est un personnage riche et travaillé, que l’on suit avec beaucoup de plaisir. Et ce d’autant qu’il nous embarque dans un univers extrêmement inventif !
En effet, dès son entrée dans l’Hôtel Invisible, Cameron découvre l’incroyable capacité de voyager à travers le monde, via les portes magiques de l’Hôtel. Avouez, cela fait un peu rêver : on quitte la banlieue pas très intéressante de Dallas, on peut aller boire un vrai chocolat viennois, enchaîner avec une petite balade dans la neige, prendre l’air dans un temple perdu quelque part dans l’Himalaya et terminer par une petite virée londonienne. Évidemment, cette partie pleine de voyages fastueux et de paillettes est très attirante mais, curieusement, ce n’est pas ce qui nous occupe la plupart du temps.
Non, généralement, nous sommes aux prises avec les problèmes abyssaux dans lesquels Cameron s’est fourré. Puisqu’il est notre narrateur, nous sommes aux premières loges de ses atermoiements, bien sûr, mais il faut ajouter à cela le talent certain que semble avoir le jeune garçon pour trouver les ennuis.
Non pas qu’il soit particulièrement casse-cou : c’est même tout l’inverse ! Cameron est d’une prudence quasi maladive mais il a terriblement envie de bien faire. Ce qui entraîne notre naïf jeune homme dans de bien sombres péripéties. C’est un personnage vraiment intéressant : à travers lui, l’auteur montre que l’on peut être pétri des meilleures intentions et commettre malgré tout les pires maladresses. Ainsi, Cameron est un personnage crédible, qui commet des erreurs parfaitement imputables à un enfant de 12 ans !
Sa sœur jumelle, Cassia, est elle aussi porteuse de messages très positifs. En effet, clouée dans un fauteuil roulant en raison d’une malformation génétique l’obligeant à subir d’éprouvantes crises et de nombreuses opérations, Cassia n’en est pas moins pétillante, énergique et volontaire mais, surtout, capable de se débrouiller seule.
Cameron se bat pour elle, toujours prêt à lui faciliter la vie, toujours désireux de la tirer de ce qu’il voit comme des mauvais pas. Heureusement, l’auteur évite le cliché du personnage handicapé qu’il faut aider et, pire, améliorer par tous les moyens. Cassia sermonne d’ailleurs son frère à ce propos et lui rappelle qu’elle est qui elle est, qu’elle n’est pas impotente et qu’elle n’a pas besoin que l’on décide à sa place ni, surtout, que l’on essaie de la perfectionner ! Le discours validiste est donc évacué par la principale intéressée et cela fait du bien !
Côté intrigue, on a un récit porté par les petites investigations des personnages sur la disparition du père de Cassia et Cameron. Cette recherche est pleine de faux-semblants, de fausses pistes, de véritables désillusions et de grandes leçons pour Cameron. On dirait que cela ressemble à une succession de loupés, ratages et autres échecs mais c’est, finalement, riche en enseignements ! Par ailleurs, l’intrigue développe un axe plus surprenant car l’hôtel se charge aussi de mettre à l’abri les enfants dans le besoin, en extrayant par exemple ceux qui vivent dans des zones de guerre. Cet axe, nettement plus sombre, est assez inattendu dans un roman jeunesse aussi divertissant, mais permet justement d’apporter son lot de rebondissements et de réflexions.
Ces nombreuses péripéties et revirements obligent toutefois le lecteur à une attention accrue : il faut être assez attentif pour bien suivre qui complote contre qui, qui trahit qui et, en définitive, qui fait équipe avec qui. De même, certaines scènes sont parfois un peu confuses mais Les Entremondes étant le premier roman de Sean Easley, on espère que la suite sera plus précise !
Il faudra toutefois s’armer de patience, car le tome 2 est prévu pour l’année prochaine en version originale
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