LITTÉRATURE CONTEMPORAINE — Eric Plamondon est un écrivain québécois, diplômé en journalisme et en compétences diverses et variées. Car avant de se consacrer à sa plume, il a été pompiste, bibliothécaire, enseignant ou encore barman !
Son précédent roman, Taqawan, évoquait le combat des Amérindiens du Canada à faire valoir leurs droits. Comme un fil rouge, dans son nouveau roman, on retrouve des échos de ce thème, la grandeur des paysages canadiens en moins. Car cette fois, c’est à un petit bout de pays déchiré entre la France et l’Espagne que l’auteur s’est intéressé. Direction le Pays basque !
Québec, 2018. Oyana, née au Pays basque, vit à Montréal depuis 23 ans. Son existence entière est vue comme une digue, chargée de tenir le passé à distance. Un passé plein de mystère, que l’on sent douloureux.
Or, un soir de mai 2018, le hasard – un titre de journal vite entraperçu – la ramène brutalement en arrière, au moment où sa vie d’exil n’avait pas encore commencé. Pressée d’exorciser enfin ce qui la travaille, elle prend la plume et se met à écrire à l’homme de sa vie, sans vraiment savoir où elle va. Mais elle sait qu’elle doit lui parler, enfin, lui dire la vérité, tenter de s’expliquer et lui faire comprendre pourquoi elle lui a menti tout ce temps-là. Car, pendant 23 ans, elle lui a caché l’essentiel de son histoire, se présentant même à lui sous son prénom d’emprunt, Nahia. Pourquoi ?
En prenant la plume, elle n’a que deux certitudes : elle s’appelle Oyana, et l’ETA n’existe plus.
Lorsque s’ouvre le récit, la protagoniste a déjà partiellement vécu sa révolution intérieure : le roman la trouve déjà attablée, écrivant à son mari, et tentant de décrire le raz-de-marée affectif qui vient de la bouleverser. Or, nous voilà bien avancés. Car hormis la mention de cet article, nous en sommes au même point que le mari : dans le cirage. Quel est le rapport avec la narratrice ? Qu’a-t-elle fait, dit ou vu qui justifie le mensonge – dont on ne connaît pas encore l’étendue ? Dès le départ, la tension est donc à son comble, et reste vraiment maintenue. L’accouchement est difficile et la narratrice aura bien du mal à avouer ce qui la tracasse autant, n’hésitant pas à revenir en arrière et à tourner autour du pot. Et ce n’est pas gênant, tant le parcours est cathartique. Mot après mot, on discerne le traumatisme qui a présidé à son exil forcé et on (re)découvre, au passage, une page de l’histoire européenne – toujours très actuelle, d’ailleurs.
Malheureusement, le récit change sur la dernière partie : d’épistolaire, il devient simplement narratif, un peu plus mou, et suit l’exilée enfin de retour dans ses pérégrinations sur une côte basque toujours pas apaisée. La mention des lieux est brève, les descriptions succinctes et le récit parfois un brin trop mélodramatique, ce qui est un peu dommage. Alors qu’il explore avec beaucoup de justesse, et sans trop trancher, les problèmes traversés par la région et liés à la question terroriste ! De même, la question de l’impact de cette histoire plus que mouvementée sur les familles, les relations et les gens est finement étudiée, au travers de la protagoniste (évidemment), mais aussi des autres personnages.
Malgré des traductions en basque quelque peu approximatives, on se laisse emporter par le texte : le style de l’auteur, tantôt incisif, tantôt poétique, est particulièrement évocateur.
Avec ce titre, Eric Plamondon signe un voyage intime intense, qui évoque avec sensibilité des décennies tourmentées. Le récit, quoique desservi par un flagrant manque de corrections, se veut aussi soudain et incisif que la baffe prise par la narratrice en apercevant cet entrefilet. Et ce n’est pas le rebondissement final, extrêmement bien tourné, qui atténuera cette impression !
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