Miss Josephine : essai confirmé pour Margaret Wilkerson Sexton

Miss Josephine

ROMAN AMÉRICAIN — De Margaret Wilkerson Sexton, nous avions déjà apprécié le premier roman, Un soupçon de liberté, paru à la rentrée 2020. Nous étions donc curieux et enthousiastes à l’idée de découvrir son deuxième livre, intitulé sobrement Miss Josephine.

C’est un roman qui oscille entre trois époques différentes, qui forment comme trois ères différentes pour la population afro-américaine. Le récit nous entraîne ainsi en 1855, à l’époque de l’esclavage, mais également en 2017 dans l’Amérique de Trump. Enfin, le roman dépeint également les années 20, le tout, toujours, dans la région de La Nouvelle Orléans.

Portrait d’un sud gangréné par le racisme et la haine, Miss Josephine s’attache à décrire une lignée de femmes et leur quotidien aux époques charnières citées plus haut. 1855 est forcément terrible : la Josephine qui donne son prénom au titre est une esclave de dix ans qui vit sur une plantation, sous la coupe d’une maîtresse lunatique et volontiers cruelle. 2017 n’est pas forcément un paradis pour autant : la descendante de Josephine, Ava, s’installe chez sa riche grand-mère paternelle blanche pour prendre soin d’elle. Si la jeune femme rejoint un monde d’opulence et de confort, elle découvre dans le basculement progressif de la vieille dame vers la sénilité un racisme encore plus blessant que ce qu’elle aurait pu entendre d’inconnus. Enfin, 1924 nous plonge dans les vieilles années de Josephine, devenue propriétaire terrienne. Mais l’arrivée d’un couple blanc dans son voisinage immédiat va faire basculer sa vie, avec l’irruption violente du KKK dans son quotidien…

Aucune époque ne semble idéale, mais dans chacune, la famille est au centre de l’intrigue : les gens qu’on aime, qu’on voit grandir, et que parfois, on perd. Sans grande surprise, Margaret Wilkerson Sexton nous parle d’héritage et d’espoir, et décrit des gens qui luttent pour atteindre le bonheur et parvenir à renverser le destin. Et elle le fait bien, dans un style qui n’est pas sans rappeler celui de la grande Toni Morrison.

Grâce à un procédé presque fantastique qui permet aux générations de communiquer malgré les années, l’autrice noue étroitement les destinées de ces femmes : Josephine, Gladys, Ava… Toutes contribuent à un portrait vibrant et émouvant de la femme Afro-américaine et de son quotidien au fil des décennies : la servitude odieuse d’avant la guerre de Sécession, la peur terrible de la violence du Ku Klux Klan et la frustration intense de devoir courber l’échine comme du temps de l’esclavage dans la période qui suivit l’abolition, et enfin, la méfiance et le racisme dans l’Amérique de Trump…

Sacré beau roman que voilà, avec un message fort et puissant qui se lit entre les lignes… Une lecture nécessaire pour comprendre le sud de l’Amérique aujourd’hui.

Miss Josephine, Margaret Wilkerson Sexton. Actes Sud, septembre 2022. Traduit de l’anglais par Laure Mistral.

A propos Emily Costecalde 1154 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

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