FANTASTIQUE JEUNESSE — Le Château solitaire dans le miroir est un best-seller au Japon avec plus d’un million d’exemplaires vendus. Fort de son succès, ce roman a déjà été adapté en manga et en film d’animation. Mais c’est le livre originel que nous vous proposons de découvrir aujourd’hui, à l’occasion de sa traduction en français aux éditions Milan.
Un beau jour, le miroir de la chambre de Kokoro se met à scintiller. À peine la jeune fille l’a-t-elle effleuré qu’elle se retrouve dans un formidable château digne d’un conte de fées. Là, une mystérieuse fillette affublée d’un masque de loup lui expose la raison de sa présence : elle dispose d’une année pour accomplir une quête fantastique qui lui permettra de réaliser un seul et unique souhait. Seulement Kokoro n’est pas seule au château : six autres adolescents ont le même objectif qu’elle.
Si ce résumé se veut mystérieux, il est important de tout de suite préciser que cette quête ne suscite pas vraiment de compétition entre les différents adolescents. Au contraire, même ! Mizuki Tsujimura, l’autrice, nous offre ici un roman fantastico-social, où le mélange des genres est très réussi. Outre l’aspect fantastique indéniable, elle aborde la thématique très actuelle de la phobie scolaire, et à travers elle, de ce qui peut la causer. Car les six adolescents présents au château découvrent assez vite qu’aucun d’entre eux (à une exception près !) n’est scolarisé, pour des raisons diverses et variées, mais toutes légitimes. Nous ne vous en dirons pas plus sur les histoires personnelles de ces adolescents, elles sont à découvrir au fur et à mesure des pages. Et leurs histoires sont très touchantes. En arrière-plan, ce roman est également truffé de références aux contes les plus connus comme ceux de Perrault ou Andersen. Des histoires dans l’histoire, en somme.
En termes de rythme, le livre est très intelligemment construit. Il se concentre tout d’abord sur Kokoro, qui est la narratrice et donc la protagoniste principale de l’histoire, celle par qui on découvre l’univers. Avec elle, on découvre également l’envers du décor, c’est-à-dire la réalité, et la réaction de ses parents par exemple. Par conséquent, le lecteur a accès à son histoire avant celle des autres. L’année scolaire passe et avec elle, tout doucement, les mois s’écoulent. Le petit groupe arrête assez vite de chercher l’objet de la quête pour passer du temps ensemble, jusqu’à ce que tout s’accélère le dernier mois. On sent alors bien l’urgence de la situation : le château s’apprête à refermer ses portes. C’est tout un havre de paix qui est donc menacé. À partir de là, dans les cinquante dernières pages, tout s’enchaîne. Les secrets de chacun sont dévoilés et on comprend mieux les intentions de la fillette au masque de loup.
Le Château solitaire dans le miroir est également l’occasion d’en apprendre plus sur la culture du Japon et notamment son système scolaire. Ainsi, on découvre que l’année scolaire commence là bas en avril, ce qui fait plutôt figure d’exception dans l’hémisphère nord. Les interactions entre les collégiens nous permettent aussi d’en découvrir plus sur les suffixes japonais, qui sont bien souvent accolés aux prénoms, comme “San”, “Chan”, “Kun”, “Senpai”. Alors clairement, le lecteur occidental pas forcément bien renseigné sur le sujet va complètement passer à côté de leur utilisation, mais cela reste malgré tout une très bonne opportunité d’aller se renseigner de son côté pour comprendre pourquoi l’emploi de tel ou tel suffixe (ou son absence) peut-être vexant ou au contraire valorisant, notamment pour Kokoro qui nous expose ses pensées. La hiérarchisation sociale et due à l’âge joue donc une place prépondérante dans la société nippone.
Ce roman est donc une jolie petite pépite, que cela soit du point de vue de l’écriture ou des thèmes abordés. Le fantastique est ainsi parfaitement mis au service d’un message qui saura transcender et toucher tout son lectorat. Une très très belle découverte !
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