Maintenant que Noël est passé et que, pour certains, vient déjà le temps de revenir au travail, rien de tel qu’un roman bien dépaysant pour pallier la déprime du début janvier. Et nous avons cela en stock ! Folio vient de sortir en poche une véritable petite perle : Le Pays sous le ciel, de Matilde Asensi. Dans une atmosphère entre Indiana Jones et La Momie d’une part, et qui n’est pas sans évoquer La Reine du Yangzi, de Jacques Baudouin d’une autre part, Matilde Asensi nous entraîne sur les routes de Chine, dans les années 20, dans un pays tiraillé entre un passé millénaire et son ouverture vers l’Occident.
Elvira de Poulain n’a rien d’une aventurière même si, et c’est indéniable, elle a su prouver par le passé qu’elle disposait d’un certain courage. Fuyant sa famille madrilène rigide pour étudier l’art à Paris au tournant du siècle, Elvira a par la suite épousé Rémy de Poulain, un riche industriel. Celui-ci vient malheureusement d’être assassiné à Shanghai, ce qui contraint sa veuve à venir régler ses affaires sur place. C’est ainsi que la quadragénaire débarque en Chine en 1923, traînant dans ses bagages Fernanda, sa nièce adolescente maussade et sentencieuse. Pour Elvira, le choc est rude : Shanghai n’a rien à voir avec Madrid et Paris, et elle découvre de surcroît que Rémy ne lui a laissé que des dettes, la laissant dans une précarité féroce. C’est à cet instant que le roman de Matilde Asensi prend un tour incroyable et vraiment réjouissant. Elvira est approchée par deux hommes, le journaliste Paddy Tichborne et l’antiquaire Lao Jiang, qui lui révèlent que Rémy est mort car il avait en sa possession un mystérieux et ancestral coffret convoité par les Impérialistes chinois et japonais… Ce coffret mènerait à la légendaire sépulture du premier empereur de Chine, un tombeau perdu depuis 2 000 ans, et si cette tombe était découverte par la Cité impériale, elle pourrait permettre une restauration de l’empire. Fuyant la Bande verte, la mafia locale, et prise au jeu de sa quête, Elvira va alors tenter de dénicher le mausolée du premier empereur, et surtout, son fabuleux trésor.
Véritable immersion dans la culture chinoise, Le Pays sous le ciel est un récit très documenté, qui, à partir de l’ histoire véridique de l’empereur Qin Shi Huangdi, nous offre un incroyable roman d’aventure, où courses poursuites haletantes et scènes de combat côtoient avec harmonie des paragraphes entiers sur la philosophie taoïste et les énigmes chinoises. En s’appuyant sur d’authentiques textes d’historiens et de chroniqueurs chinois, Matilde Asensi nous livre un roman qui donne le tournis, en nous décrivant avec grand talent une sépulture qui n’a rien à envier aux plus célèbres pyramides égyptiennes ou mayas. Prouesses techniques fascinantes, richesses inimaginables et pièges mortels attendent Elvira et ses compagnons de voyage. Parviendront-ils à mettre la main sur le trésor impérial, et à sauver Elvira de la ruine, tout en empêchant une restauration impériale ? Le suspense monte crescendo, pour notre plus grand plaisir.
Alors qu’Elvira parcoure les routes chinoises, Matilde Asensi dresse un portrait réaliste de la situation du pays dans les années 20, mais également de l’image qu’ont les occidentaux des Chinois, et vice versa. La Chine est dans les années 20 un pays exsangue, ravagé par la violence et la famine, qui s’ouvre peu à peu à l’Europe. La cohabitation entre Elvira et Lao Jiang, le vieil antiquaire chinois, n’est pas toujours facile : l’incompréhension est en effet au cœur de plusieurs de leurs échanges et les deux adultes se froissent mutuellement à maintes reprises. Mais Elvira réussit peu à peu à vaincre sa réticence vis à vis de la culture chinoise, et s’y intéresse même de plus en plus, apprenant même des rudiments de chinois ou encore le taï-chi. Son compagnon, lui, arrive à mettre de côté son machisme et à considérer Elvira et sa nièce comme des égales (ou presque). La dimension politique du récit est également très importante : Matilde Asensi met notamment en scène le Kuomintang et les communistes chinois, dans un contexte très tendu (quelques années seulement après la fin du régime impérial, et la révolte de Boxers).
Le résultat est clairement un page-turner passionnant, doublé d’une indéniable invitation au voyage… Une très jolie surprise !
Le Pays sous le ciel, Matilde Asensi. Folio, 2014. Traduit de l’espagnol par Anne-Carole Grillot.
Par Emily Vaquié
Je note, ça a l’air passionnant.