Pardonne-moi, Leonard Peacock ou les adieux d’un ado malheureux

Pardonne-moi, Leonard Peacock, Matthew Quick, Robert Laffont

Matthew Quick a déjà écrit plusieurs romans dont un, The Silver Lining Playbook a été adapté au cinéma sous le titre de Hapiness Therapy, avec Bradley Cooper et Jennifer Lawrence et qui a reçu plusieurs récompenses. 

Pour son dernier roman en date, Pardonne-moi, Leonard Peacock, il est déjà question d’une adaptation signée Channing Tattum !

C’est l’anniversaire de Leonard Peacock. Il fête ses 18 ans. Comme toujours, sa mère est absente, occupée avec son petit ami français à New-York. Leonard Peacock pense marquer le coup pour sa 18e année de galère et de misère affective : il se coupe les cheveux, et prépare des cadeaux particuliers pour ses meilleurs amis. Le cinquième cadeau, c’est pour lui. Le P-38 de son grand-père, récupéré sur le cadavre du nazi auquel il a appartenu. Leonard Peacock va abattre Asher Beal, avant de se donner la mort. La meilleure façon de fêter son anniversaire, d’après lui.

Pardonne-moi, Leonard Peacock, Matthew Quick, Robert Laffont

La première chose que l’on peut dire, c’est que Pardonne-moi, Leonard Peacock change radicalement des romans jeunesse et adolescents que l’on peut lire en ce moment.
Leonard Peacock est un personnage assez particulier, qui n’a pas grand-chose pour lui : son père est parti, sa mère est aux abonnés absents (elle a déménagé à New York, laissant son adolescent de fils seul à la maison), son meilleur ami est le vieillard arthritique d’à côté avec lequel il revisite l’œuvre cinématographique d’Humphrey Boghart et, s’il est bon à l’école, son impertinence dérange parfois.
Dès le début du roman, on sait que Leonard veut tuer Asher Beal, à cause de ce qui a brisé leur amitié, mais on ne sait pas encore quel a été cet événement. Le roman se construit donc sur le suspens autour de ce secret bien dissimulé. Et le suspens est entretenu par la tournée des grands ducs qu’effectue le jeune homme : avant de mourir, il souhaite offrir des cadeaux à ses meilleurs amis : un chapeau ressemblant à celui d’Humphrey pour son voisin, un gros chèque pour son camarade de classe en exil, un crucifix en argent pour la fille de ses rêves, une médaille pour son professeur favori. Les cadeaux seront, en partie, mal perçus : quiproquos et embrouilles s’additionnent, ajoutant au terrible mal-être dont souffre Leonard.

Bon an mal an, on s’achemine donc vers la fin de cette intense journée : la tension monte, et on se demande si quelqu’un, quelque part, ne va pas s’apercevoir que cet enfant souffre terriblement.
La fin, à ce titre, est excellente : totalement ouverte, elle ne résout pas tout, seulement l’essentiel. Ce qui n’est absolument pas gênant, bien au contraire. Car Pardonne-moi, Leonard Peacock est de ces romans qui n’ont pas vocation à avoir un point final ferme et définitif.

Outre son personnage écorché vif, Pardonne-moi, Leonard Peacock surprend par sa forme. Il y a, d’une part, cette fin très ouverte. D’autre part, le ton employé par l’auteur : l’histoire est narrée par Leonard lui-même qui, bien sûr, ne nous dit pas tout dès le départ – façon d’entretenir le suspens. Leonard est un personnage très humain, drôle et cynique, ayant beaucoup de recul sur lui-même et sur la vie, ce que l’on lit dans les notes de bas de page dont le roman est truffé et qui apportent, au fil des pages, des nuances ou des explications supplémentaires. C’est drôle, surprenant, mais parfois un peu agaçant lorsque la note atteint des proportions gigantesques. Autre point non négligeable : le récit alterne avec des « lettres du futur » adressées à Leonard Peacock, dont on ne comprend pas, à la première, l’importance… qui s’avère en fait cruciale.
Au fil des pages, il sera question de beaucoup de sujets qui touchent l’adolescence : sans en révéler de trop au risque de déflorer l’intrigue, l’histoire de Leonard Peacock permet d’évoquer le suicide, l’amitié, les relations humaines dans tout ce qu’elles ont de plus difficile, la relation enfant-adulte, ou la tolérance. Les thèmes sont extrêmement nombreux et, finalement, c’est là que le bât blesse : tous ne sont pas traités avec autant de profondeur ce qui, de temps en temps, laisse une impression de superficialité.

Malgré cela, Pardonne-moi Leonard Peacock est un roman très complet et complexe, pourtant mené d’une plume légère, cynique et que l’on lit avec plaisir. L’auteur y aborde de façon décalée, originale et très décomplexée le mal-être adolescent, dressant le portrait d’un jeune homme perturbé, abandonné et particulièrement touchant. Bonne pioche !

Pardonne-moi, Leonard Peacock, Matthew Quick. R. Laffont (R), 2015. Traduit de l’anglais par Fabienne Vidallet

Par Oihana

A propos Oihana 711 Articles
Lectrice assidue depuis son plus jeune âge, Oihana apprécie autant de plonger dans un univers romanesque, que les longues balades au soleil. Après des études littéraires, elle est revenue vers ses premières amours, et se destine aux métiers du livre.

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