ROMAN SENTIMENTAL — On connaît la reine du polar, Agatha Christie, aux intrigues si soignées et qui font, depuis des décennies, les délices des amateurs du genre. On connaît moins son œuvre sous le pseudonyme de Mary Westmacott. Sous ce nom, elle a publié quelques romans, dont L’If et la Rose, qui vient de reparaître dans une nouvelle traduction au Livre de Poche.
Hugh Norreys est appelé au chevet du père Clément, un homme bon et altruiste, mourant. Alors qu’il pense ne pas connaître cet homme, Hugh s’aperçoit qu’il le connaît sous un autre nom… celui de John Gabriel. Or, Hugh le déteste du plus profond de son âme car, des années plus tôt, John Gabriel a provoqué la mort d’une femme qu’Hugh a profondément aimée.
Retour à l’époque où Hugh venait tout juste de perdre l’usage de ses jambes. Emmené à Saint-Loo par son frère Robert et sa belle-sœur Teresa, Hugh débarque en pleine campagne électorale : le parti conservateur affronte le parti travailliste. Le candidat du premier n’est autre que John Gabriel, un homme charmant, la coqueluche de ces dames.
Charmant et décidément généreux envers tout un chacun ! Sauf lorsqu’il révèle à Hugh combien ces actes d’altruisme ne sont en fait que des calculs, visant à lui rapporter des voix électorales. La moralité n’est pas la principale qualité de ce cher John. Elle n’a d’ailleurs d’égale que sa vulgarité.
Tout le contraire d’Isabella, troisième pointe de l’étonnant trio de personnages qui occupe ici le devant de la scène. Isabella Saint-Loo, belle jeune femme mystérieuse et évanescente, vit au château local, entourée de ses trois tantes. Protégée par ce matriarcat tout-puissant, elle semble traverser la vie sans jamais être atteinte par ses vicissitudes.
Si le roman ressemble bien plus à un portrait de mœurs façon Jane Austen, mais à la sauce XXe siècle, on reconnaît tout de même la patte d’Agatha Christie dans le texte. Comme dans ses polars, elle y insinue un fort suspens. Car, dès le début, on sait pourquoi Hugh voue une telle inimitié à John Gabriel : Isabella est morte par sa faute ! Ce qu’on ignore, c’est le pourquoi et le comment. Le récit d’Hugh est donc vital pour bien comprendre les tenants et aboutissants de cette affaire. De fait, la découverte se mérite car, en reine du polar, Agatha Christie avance à pas comptés et il faut attendre les tous derniers chapitres pour voir où elle souhaitait en venir.
Alors on profite du portrait qu’elle livre et des réflexions sur l’amour – le nerf de la guerre dans cette histoire ! – entraînées par l’intrigue.
Voilà donc un roman sentimental que l’on lit avec plaisir, surprenant dans la bibliographie de la grande dame, mais à découvrir néanmoins !
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