The Witch : premier film réussi pour Robert Eggers

CINÉMA FANTASTIQUE — Récompensé par le prix de la mise en scène au Festival de Sundance en janvier 2015, puis encensé à Toronto, The Witch, réalisé par Robert Eggers, était l’un des films les plus attendus de la sélection du Festival international du film fantastique de Gerardmer 2016. Film que nous avons par ailleurs récompensé avec le prix du jury Syfy, en partenariat avec Canal Sat !

Nous sommes en 1630, en Nouvelle-Angleterre. William et Katherine forment un couple que son fondamentalisme religieux a condamné à vivre éloigné de la Colonie de Nouvelle Angleterre où les époux avaient trouvé refuge. Ils mènent une vie pieuse avec leurs cinq enfants et cultivent leur lopin de terre au milieu d’une étendue encore sauvage et d’une forêt sombre et inquiétante où vit selon la légende une sorcière. La mystérieuse disparition de leur nouveau-né et la perte soudaine de leurs récoltes vont rapidement les amener à se dresser les uns contre les autres…

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Avec The Witch, le réalisateur Robert Eggers nous propose de revenir aux origines de ce mythe populaire, une analyse de nos peurs et de leurs origines, mais également de notre conception du mal. The Witch, surprenant premier long métrage de Eggers, est une agréable surprise. Comme tout bon film fantastique, il n’y a pas de moments de répit, le spectateur n’a aucun échappatoire. Le ton malveillant, et les idées que The Witch évoque rendent ce film remarquable : l’importance de la foi pour un homme, les rôles des hommes et des femmes au sein du foyer, le dysfonctionnement de la famille américaine, les mensonges que nous nous racontons quand la vérité est beaucoup trop dure à avouer. Le film nous offre une réponse des plus surprenantes.

Pour ce qui est de Thomasin (Anya Taylor-Joy), sa place au sein du foyer a été définie dès sa naissance et son avenir est tout tracé, car née au 17e siècle, fille de William (Ralph Ineson) et de Katherine (Kate Dickie) mais surtout de Dieu qui semble ne pas répondre à la détresse de sa famille. Exilée avec son frère Caleb (Harvey Scrimshaw), les jumeaux Mercy (Ellie Grainger) et Jonas (Lucas Dawson) loin de leur colonie, Thomasin souhaite que sa nouvelle vie apporte la paix au sein de la famille.

Le patriarche, William, a décidé que la colonie ne pouvait les accueillir car celle-ci ne respectait pas à la lettre les valeurs de la Bible. Il mènera sa famille au abord de la forêt guidé par sa foi  inébranlable. Il y construit une ferme, mais arrive avec peine à faire pousser quoi que ce soit, ou à chasser pour nourrir sa famille. Les récoltes noircissent, et les animaux parviennent à échapper de manière presque surnaturelle aux parties de chasse de William et Caleb. Samuel, le nouveau-né, disparaît sous la surveillance de Thomasin. Un avenir sombre s’annonce sur la famille et la méfiance, le doute s’installe. William les pousse à croire qu’ils sont maudits, et essaie en vain de comprendre en quoi il a pu offenser le seigneur. La mère en deuil est incapable d’aider son époux qui porte à lui seul le fardeau de la famille.

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Un mal pèse sur cette famille telle une obscurité qui chercherait à étouffer leur lumière, dans les entrailles d’une forêt sombre et sinistre. Cette obscurité se manifeste sous de nombreuses formes. La sorcière y serait-elle pour quelque chose ? Qui est ce Philip le noir que les jumeaux ne cessent d’appeler ? Thomasin commence alors à douter des capacités de son père à assurer pleinement son rôle de chef du foyer et à assurer leur sécurité mais également ses propres croyances. Pourquoi les prières de la famille restent-elles sans réponse ? Dieu souhaite-Il les punir pour leurs péchés, ou bien reste-t-il tout simplement indifférent à leurs souffrances? Eggers resserre lentement et subtilement l’étau jusqu’au dénouement qui peut en étonner plus d’un.

Au moment où les choses tournent mal pour la famille, le mal devient omniprésent, une grande tension est palpable. The Witch n’est pas simplement une manifestation de la terreur. Le paysage impitoyable vu à travers les yeux de Thomasin remet en question l’idée même de conviction et de foi quand cette famille lentement dévastée par un mal inexplicable se détournent les uns des autres. William est un homme qui cache son incapacité à être un bon agriculteur mais également un bon chef de famille avec la conviction qu’il a en offensé Dieu. Katherine quant à elle est ferme dans sa foi en Dieu mais ses convictions laissent peu à peu place à la colère envers sa propre famille. Caleb, joué par Harvey Scrimshaw, nous livre une performance des plus magistrales. Ellie Grainger et Lucas Dawson (les jumeaux Mercy et Jonas) sont eux mystérieux et malicieux, affirmant Black Phillip chuchote avec eux et leur confie des secrets.

Enfin, nous avons Thomasin, incarnée par Anya Taylor-Joy qui nous offre une belle performance. Elle aime sa famille malgré tous leurs défauts mais commence à remettre en question sa foi qui ne lui offre aucun bénéfice. C’est même un avenir sombre et désespéré qui s’annonce. Elle n’a pas de choix, c’est une jeune fille sur le point de devenir femme, qui doit rester à sa place au sein de la famille. Les railleries et accusations de ses frères et sœurs l’incitent à penser, à admettre qu’elle est peut-être bien elle-même une sorcière. C’est ce que sa propre famille pense d’elle qui va la conditionner, sans même tenir compte de son consentement. L’angoisse et la culpabilité de Thomasin deviennent alors palpables.

Doté d’une photographie somptueuse, d’une ambiance exceptionnelle et surtout d’un scénario bien ficelé, le film progresse lentement, suscitant chez le spectateur angoisse et compassion pour Thomasin. Pour un premier film et un budget très loin des grands films hollywoodiens, Robert Eggers nous offre une grande oeuvre fantastique qui respecte parfaitement les codes et coutumes des colons américain. Le réalisateur a effectué un vaste travail de recherche de l’époque afin de nous peindre une toile fidèle de l’époque coloniale.

Découvrez la bande d’annonce :

A propos Kévin Costecalde 352 Articles
Passionné par la photographie et les médias, Kévin est chef de projet communication. En 2012, il a lancé le blog La Minute de Com, une excellente occasion selon lui d'étudier les réseaux sociaux et l'actualité. Curieux et touche-à-tout, Kévin aime les challenges, les voyages et l'ironie.

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