Maria Cristina Väätonen vit une enfance difficile dans une famille pauvre et avec une mère folle. Elle s’applique à être une élève studieuse et exemplaire pour mettre toutes les chances de son côté : un jour, elle le sait, elle quittera le petit village de Lapérouse. Maria Cristina a 16 ans quand elle y parvient. Elle obtient une bourse d’études et emménage à Los Angeles où elle rencontre son amie Joanne.
Peu de temps après, ses ambitions de devenir écrivain la poussent à travailler pour un auteur célèbre : Rafael Claramunt. Très vite, la jeune fille voit en lui un mentor, et elle publie son premier roman qui est très bien accueilli par les lecteurs. Mais quelles sont les véritables intentions de cet homme adorateur de jeunes filles ? Comment Maria Cristina va-t-elle vivre cette soudaine mise sous les feux des projecteurs ? Le succès va-t-il la mener à sa perte ?
C’est donc le récit d’une vie que nous propose Véronique Ovaldé, la vie de Maria Cristina, jeune fille un peu perdue. Le narrateur nous fait rencontrer Maria Cristina, trentenaire, au moment où sa mère lui demande de revenir dans son village natal. Quand le jeune écrivain à succès prend la route, la nostalgie l’envahit. L’occasion pour le narrateur d’opérer un flashback gigantesque, qui ramène le lecteur à la genèse de la famille Väätonen. Son père, sa mère, sa sœur, et Maria Cristina elle-même, sont décrits, montrés, analysés.
Le lecteur s’attache à ce personnage de jeune fille, sympathise avec cette demoiselle en détresse, qui rêve d’un ailleurs meilleur. Les mots l’emportent loin de la misère et elle découvre le Grand Monde à travers ses yeux candides et pleins de fraîcheur.
Le style de l’auteur est singulier, moderne et épuré. Véronique Ovaldé utilise de très longues phrases énumératives, avec peu de points et beaucoup de virgules. Ce rythme effréné et percutant motive le lecteur à poursuivre sa lecture. Il est comme piégé par les phrases, essoufflé par le rythme, impatient de connaître le fin mot de l’histoire.
Cette incursion dans la vie de Maria Cristina n’aurait jamais eu la même saveur sans le style particulier de l’auteur. Le narrateur occupe ici une place importante : le rôle de celui qui apporte la vérité aux lecteurs, la vérité sur Maria Cristina, sur sa vie solitaire. C’est son histoire, à elle et aux autres. Elle par rapport aux autres. Comment elle voit le monde, comment elle se fond dans son environnement, comment elle interagit avec autrui. Avec force détails, c’est toute une vie que l’on découvre : comment une femme écrivain parvient à s’en sortir malgré les embuches, à se sortir de son trou perdu du Canada, à sortir de sa solide carapace.
En bref, il s’agit ici d’une lecture tendre et simple, un moment de communion entre le lecteur et le narrateur : ce dernier nous livre ses secrets, le récit d’une vie. On ne sait d’ailleurs jamais vraiment qui est vraiment ce narrateur. A aucun moment il/elle n’est clairement nommé(e). Néanmoins l’emploi du « je » permet au lecteur de se sentir concerné par l’histoire, comme si Maria Cristina était une connaissance vague, une cousine lointaine, et que le narrateur nous faisait part de tout ce qu’il sait pour permettre de mieux la connaître. Un moment de lecture passionnant et qui change de tout ce que vous avez pu lire auparavant.
La Grâce des brigands, Véronique Ovaldé. L’olivier, 22 août 2013. Rentrée littéraire 2013.
Par Séverine