Treize… Jonah, nous te voyons…

De 2014, on retiendra sûrement beaucoup de choses. Nous, en tout cas, on se souviendra du lancement (réussi) des éditions Super 8, dont nous avons lu toutes les titres avec ferveur, séduits par cette ligne éditoriale barrée et menée d’une main de maître par Fabrice Colin et son équipe. Treize, dont il est ici question, résumé bien cette fameuse ligne édito. On peut déjà vous dire qu’il se classe dans le top 3 d’une maison d’édition très prometteuse. Et il y a du niveau !

Le roman de Seth Patrick met en scène des Revivers, des individus qui ont la capacité de ramener brièvement les morts à la vie. Révélée au monde il y a une douzaine d’années, cette faculté s’est depuis institutionnalisée : on en fait même usage dans le domaine médico-légal. En effet, n’est-il pas plus simple de résoudre une enquête criminelle quand le principal témoin (la victime !) peut dire ce qu’elle a vu ? Jonah Miller (qu’on ne peut s’empêcher d’imaginer sous les traits de Benedict Cumberbatch… du fait de son côté quelque peu asocial, peut-être ?) est un de ces revivers, un des plus talentueux. Son métier n’a rien de facile, et Jonah est déjà passablement perturbé par ce contact quotidien avec la mort et la violence. Mais un jour, son malaise grimpe encore d’un cran, quand une étrange et terrifiante entité s’adresse à lui au travers du cadavre qu’il vient de ranimer. Quelque chose de terrible attend dans les ténèbres.

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Quelques temps après, Daniel Harker, le journaliste qui a révélé au monde le phénomène, est retrouvé assassiné. Jonah se retrouve chargé d’élucider cette nouvelle affaire, aux côtés de la fille de Harker.

Treize joue avec nos nerfs, et avec nos peurs, notamment celle, ancestrale et primaire, du noir. Qui sait ce qui rôde dans l’ombre, de l’autre côté du miroir ? Jonah, qui pratique la mort au quotidien, est ébranlé par ce contact permanent avec les ténèbres. L’idée qu’on puisse ramener quelques minutes les morts à la vie pour leur parler (qu’il s’agisse d’un interrogatoire ou d’adieux) est brillamment utilisée par l’auteur, qui montre comment cette pratique s’est normalisée, mais également les polémiques (religieuses, politiques, militaires) qui en découlent. Les scènes de réanimation sont par ailleurs écrites avec talent, de même que la réaction des non-initiés face à cette faculté hors du commun. Les Revivers sont entrés dans les mœurs (il y a même des assurances pour cela !), mais ce n’est pas pour cela qu’ils sont pleinement acceptés. Jonah est une sorte de paria social : son « don » l’empêche de toucher certains individus, sous peine de leur faire subir une sensation des plus désagréables, aussi, il préfère rester seul. Quand on fraie avec la mort, on n’est plus forcément très doués avec les vivants… Héros pourtant touchant, bien que plutôt froid, Jonah est agréable à suivre. Ses compagnons – en particulier Never – le sont tout autant.

L’intrigue est dense, mais loin d’être indigeste : au contraire, le récit de Seth Patrick est des plus plaisants à découvrir. La fin du roman s’avère particulièrement addictive, au fur et à mesure que cette chose qui se cache de l’autre côté se précise. Il devient alors difficile de lâcher l’histoire des Revivers. Seth Patrick nous présente alors un mélange savant d’humour, de suspense, d’adrénaline et d’action. Sans oublier la peur, forcément. Grâce à des sentences énigmatiques mais effrayantes (« Nous te voyons », « Les villes brûlent »), un méchant vraiment méchant, et une menace venue du fond des âges, Seth Patrick nous ferre jusqu’au bout.

Un grand Super 8, donc. Et comme nous vous le disions, il y a du niveau !

Treize, Seth Patrick. Super 8, novembre 2014. Traduit de l’anglais par Diniz Galhos.

Par Emily Vaquié

A propos Emily Costecalde 1154 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

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