DYSTOPIE — Neal Shusterman a largement fait ses preuves avec les premiers volumes de la saga Les Fragmentés : nous vous avons déjà fait part de notre enthousiasme à l’égard de l’histoire qu’il a su bâtir et étoffer au fil des tomes, mais nous ne boudons pas le plaisir de vous dire encore à quel point nous aimons la saga des Fragmentés, à l’occasion de la sortie de l’ultime tome, Les Libérés.
Souvenez-vous : suite à une guerre et des troubles importants mettant en scène des adolescents, couplé à d’importantes découvertes médicales dans le domaine de la greffe, le gouvernement a mis en place la possibilité de fragmenter les jeunes de 13 à 18 ans. La fragmentation : un terme neutre, aux consonances informatiques, qui recouvre une réalité terrible… Il s’agit tout simplement de donner intégralement son enfant au don d’organes : si vous pensez qu’il s’agit d’une peine de mort, détrompez-vous. L’adolescent survivra « à l’état divisé », une interprétation rassurante et acceptée par de nombreux adultes. Dans le monde des Fragmentés, de nombreuses raisons « justifient » la fragmentation des adolescents : un jeune turbulent, trop insolent qu’on ne sait plus tenir, des coupes budgétaires dans les orphelinats, ou encore, la foi… Au fil des tomes, Neal Shusterman décortique les raisons et les conséquences éthiques, économiques, sociales de la fragmentation. Car, ne nous leurrons pas : la fragmentation a chamboulé la société dans son ensemble, et est devenu un véritable système économique en lui-même. La greffe de confort d’un côté, les trafiquants de chair de l’autre…
Les Libérés, quatrième et dernier tome de la saga, montre que, bien loin de s’essouffler, Neal Shusterman est au sommet de sa forme. Alternant les points de vue, jonglant avec ses différents personnages, n’hésitant pas à donner voix, l’espace de quelques pages, à un anonyme pour nous aider à mieux cerner la situation, il manie le roman choral avec talent, donnant beaucoup de force et d’efficacité au récit. Cette technique narrative permet d’appréhender la fragmentation dans son ensemble : on suit ainsi des adolescents en fuite, des braconniers, ou encore un « formaté », un adolescent créé de toutes pièces à partir d’organes pris à de jeunes fragmentés. On assiste à différentes manières de lutter contre la fragmentation : la force et le terrorisme, incarnés par Rufus Starkey, la diplomatie à travers Lev, les solutions alternatives que cherchent Connor et Risa… Si on pourrait arguer que le dénouement et ses multiples événements se passent peut-être un poil vite, on ne parvient même pas à en tenir rigueur à Neal Shusterman, tant il nous aura fait vivre de nombreuses émotions au fil de la lecture. A ses côtés, nous aurons ri, frémi, versé une petite larme. Nous aurons lu des scènes terribles, dont certaines nous montrant la fragmentation dans toute son horreur, et de ce point de vue, Les Libérés ne nous aura pas épargnés. Mais nous avons surtout vécu notre lecture à 100 % et c’est avec beaucoup de satisfaction et une pointe de tristesse que nous quittons Connor, Risa, Lev et tous les autres… Un énorme coup de cœur !
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