CINÉMA — Imaginez : le président des États-Unis accueille dans son bureau la plus grand star de son époque pour une photo qui restera dans l’Histoire. Cette rencontre aura été l’une des plus folles du Bureau ovale, l’une des plus bizarres de l’histoire des États-Unis. Nous sommes en 1970, à l’ère du Vietnam et de ses nombreux opposants, des hippies, du rock’n’roll rebelle et de l’émergence de drogues comme la marijuana et le LSD… Ah, et les élections se profilent ! Inutile de dire que le président a du pain sur la planche !
Tout comme Elvis Presley, à sa manière. Le King est à l’époque au sommet de sa gloire, une gloire qui lui permet de multiplier les excentricités sans que personne ne bronche. Voilà qu’il a une nouvelle lubie. Il se rend en personne à Washington dans le but de convaincre le président Nixon de lui remettre un badge d’agent fédéral. Se présentant à l’improviste à la Maison Blanche, la rock-star réussit à faire remettre une lettre en mains propres au président pour solliciter une entrevue secrète. Les conseillers de Nixon, Egil « Bud » Krogh et Dwight Chapin, expliquent à leur patron qu’une rencontre avec Elvis au cours d’une année électorale peut améliorer son image auprès des jeunes : un sacré coup de pouce en terme de communication ! Mais Nixon n’est pas d’humeur à donner satisfaction à l’artiste, ou à ses conseillers. C’est sans compter sur la détermination du King ! Il conclut un pacte avec Krogh et Chapin : il signera un autographe pour la fille de Nixon en échange d’un tête-à-tête avec le président. Comment le président pourrait-il résister à sa fille ?
Nixon, préoccupé par sa politique, accepte de prendre cinq minutes de son temps pour une rencontre avec Elvis Presley, qui n’est pour l’époque que l’une des plus grandes stars du monde, rien que ça ! Le King, cet homme au brushing surréaliste, aux lunettes de soleil cerclées d’or kitschissimes et au combo cape noire/chemise déboutonnée/collier en or surdimensionné/ceinture à boucle digne d’un champion de boxe rencontre donc le président. À la très grande surprise de Nixon et de ses conseillers, l’homme politique et le chanteur se découvrent des affinités. À commencer par leur mépris affiché pour la contreculture. Peut-être la seule chose que les deux hommes avaient en commun !
Nous ne vous ferons pas languir davantage : Elvis & Nixon est un film des plus divertissants, à la fois humoristique et méticuleusement documenté. Le scénario de Joey Sagal, Hanala Sagal et Cary Elwes, s’appuie en effet sur de nombreux documents qu’on peut consulter sur le site des National Archives et sur des livres des témoins de l’événement dont Jerry Schilling, assistant d’Elvis. L’histoire est racontée principalement du point de vue du camp Presley. Malheureusement, cela veut dire que Nixon n’est pas assez présent dans le film. Son point de vue est remplacé par une intrigue secondaire portant sur l’amitié entre Elvis et son assistant Jerry.
Malgré cela, le spectateur s’éclate ! Le ton est en effet très drôle et le caractère excentrique de la légende du Rock’n’roll est accentué par certaines scènes comme dans celle montrant le King à l’aéroport, où il estime que sa qualité de rock star doit lui servir de passe-droit (bien évidemment !). La mise en scène de Liza Johnson est appliquée, laissant aux deux acteurs principaux assez de latitude pour créer des personnages hauts en couleur. Michael Shannon incarne un Elvis plus vrai que nature, et rend avec justesse ses opinions assez tranchées sur divers sujets et le décalage entre le personnage public visible de tous et sa véritable personnalité, plus secrète. Kevin Spacey, acteur reconnu pour ses talents d’imitateur, rend bien les attitudes, la voix et le phrasé de celui qu’on surnomma Tricky Dick. Il semblerait que la Maison Blanche réussisse bien à l’acteur !
Encore une fois, rappelons-le : c’est vraiment arrivé. L’équipe du film propose une réécriture savoureuse de la véritable histoire. Le résultat ? En un peu moins d’une heure et demie, Elvis & Nixon n’a que très peu de longueurs et vous fera passer un bon moment.
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