UCHRONIE – Après un premier tome saisissant, Ryan Graudin nous jette à nouveau sur les routes du IIIe Reich en compagnie de Yael, survivante des camps, transformée en métamorphe par un médecin nazi ; Luka Löwe, double champion du Tour de l’Axe ; Félix Wolfe, le frère jumeau d’Adele, dont Yael a usurpé le visage et l’identité pour assassiner le Führer ; et, bien sûr, l’ensemble de la Résistance. Bienvenue dans un monde où le IIIe Reich a certes gagné, mais où la Résistance n’a pas abdiqué !
Yael a assassiné le Führer durant le bal de la victoire mais, malheureusement… le Führer n’était pas le Führer. C’était un métamorphe qui jouait son rôle. Alors que la Résistance regagne, un peu partout, du terrain, c’est le chaos : le gouvernement n’a pas abdiqué, le IIIe Reich n’est pas mort, mais la Résistance a trop dévoilé ses pions pour reculer. Yael doit donc avancer. Et composer avec Luka, qui après l’avoir trahie durant le Tour de l’Axe, la suit partout et avec Felix qui, angoissé pour sa sœur, n’a pas l’intention de la lâcher d’une semelle. Tous trois accusés d’avoir trempé dans le complot qui a mené à l’assassinat – en direct ! – du chef de l’Etat, ils sont activement recherchés.
Cette fois, pas de moto, pas d’adrénaline liée à la course, pas d’odeur saturée de gasoil et de relents d’asphalte. Et, d’ailleurs, pas d’Adele Wolfe. Yael est juste Yael – et des centaines d’autres personnes, mais certainement pas Adele, laquelle est enfermée dans une geôle de la Résistance en attendant que les choses se tassent.
Sauf que celles-ci ne sont pas du tout sur le point de se tasser. On traverse le roman comme en apnée, suspendu par toutes les questions qui s’entrechoquent : Yael va-t-elle s’en sortir et accomplir sa mission ? Celle-ci se fera-t-elle sans trop de casse ? Le Führer est-il atteignable ? Et surtout, la Résistance peut-elle vaincre ? Jusqu’aux dernières pages, il est difficile de se prononcer, tant Ryan Graudin malmène ses personnages et les fait passer par des difficultés extrêmes.
De plus, on reprend là où s’arrêtait le précédent volume – et même un peu avant, puisque la scène vécue par Yael à la fin du premier volume est, cette fois, vue par Luka : on est donc, dès les premières pages, plongés dans une intrigue survoltée. Au fil des pages, la narration saute d’un personnage à l’autre, ce qui nous permet d’avoir différents points de vue sur l’intrigue.
Les personnages sont vraiment l’immense point fort de ce roman. On connaît bien Yael, que l’on a côtoyée sur les 20 000 kilomètres du Tour de l’Axe. Quoi qu’il arrive, Yael reste elle-même, fidèle à ses convictions, sa ligne de conduite, lucide sur ses actes, ses pensées et, même lorsqu’elle est perdue, capable de réfléchir. Au fil des pages, elle grandit, elle mûrit et si c’est dans les affres de la guerre qu’elle se forge, elle n’oublie pas sa foi – même si celle-ci n’a, au départ, rien de particulièrement religieux. Luka et Felix, eux aussi, évoluent, chacun à sa façon, en fonction de son passé, de ses idées, de ce qui lui est arrivé depuis le jour du départ, dans le stade de Germania. Evidemment, certaines évolutions, certains choix feront grincer des dents, et comment faire autrement ? Mais Ryan Graudin nous dépeint des personnages extrêmement réalistes, dont les comportements sonnent juste et vrais, dans les épisodes qu’ils vivent.
Le réalisme est un atout du roman : que ce soit dans le sous-sol de la brasserie, dans le camion défoncé qui emmène Yael et ses camarades résistants, aux abords du camp ou au fin fond de la Moscovie, les pérégrinations des personnages sont incroyablement réalistes. D’aucuns pourraient reprocher au roman un léger manque d’action – celle-ci étant concentrée sur quelques scènes d’affrontement riches en montées d’adrénaline – mais c’est parce que c’est avant tout un roman de stratégie militaire. Les Résistants cherchent des informations, tentent de les faire passer, s’acharnent à passer des lignes de front et, surtout, à survivre. À ce titre, le roman est très réussi. C’est pourquoi le suspense est à son comble tout au long du roman : Ryan Graudin nous plonge dans ce que vivent les personnages et on angoisse à leurs côtés. D’ailleurs, cette angoisse n’est pas déçue et certains développements font grincer des dents – mais, encore une fois, tout uchronique soit-il, c’est un roman extrêmement réaliste, et donc dépourvu de faux-semblants.
Le premier tome nous embarquait dans une incroyable uchronie, que ce second (et donc dernier) tome parachève de la meilleure des façons. Ryan Graudin clôt les aventures de Yael en apothéose, en nous traînant sur les territoires d’un IIIe Reich que nul n’aimerait voir advenir et contre lequel elle nous met fermement en garde – le pire étant souvent très vite arrivé. À méditer !
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