Depuis quelques temps déjà, le mois d’octobre se fait connaître comme étant le mois de l’imaginaire. C’est donc avec plaisir que Café Powell se joint à l’initiative pour faire de ce joli mois d’automne LE mois des littératures SFFF (Science-fiction, fantasy, fantastique). Et comme il est impossible de chroniquer l’intégralité de ce que votre Dream Team ingurgite au quotidien, voici une sélection de nos dernières lectures : 100% auteur(e)s français pour l’occasion.
Animale de Victor Dixen (Gallimard jeunesse, 2013).
Si Victor Dixen est surtout connu pour Phobos (sa grande fresque de science-fiction dont vous pouvez retrouver les chroniques des premiers tomes là, là et là), il est également l’auteur d’Animale, un roman de fantasy historique qui revisite avec brio le conte de Boucle d’Or et les trois ours sur fond de guerre napoléonienne. L’auteur réinvente avec une grande maestria cette histoire issue de la culture populaire et nous entraîne au cœur d’une aventure palpitante.
Blonde, 17 ans et orpheline, vit depuis toujours au fin fond d’un couvent isolé, entourée de mystères. Mais elle sent bien qu’elle est différente et va commencer à chercher des réponses à ses question. Qui sont ses parents ? Pourquoi vit-elle recluse ? Quel est donc cet instinct sauvage qui hiberne en elle ? Quel est le secret de son éclatante chevelure ? Tour à tour roman d’aventure, histoire d’amour, quête mystique, grande fresque historique et récit initiatique, ce roman auréolé du Grand Prix de l’Imaginaire 2014 est sans aucun doute un coup de cœur ! Et si vous avez aimé, penchez-vous sur le tome 2 qui se trouve être la réécriture d’un conte d’Andersen et qui vous amènera sur les traces de La Prophétie de la Reine des neiges.
Le Roi des Fauves d’Aurélie Wellenstein (Scrinéo, 2015).
Le Dieu Oiseau est souvent décrit comme étant le roman le plus brutal d’Aurélie Wellenstein, mais soyons honnêtes, Le Roi des Fauves n’est pas en reste, loin de là. Affamés depuis des lustres par une crise qui n’en finit pas, Ivar, Kaya et Oswald finissent par aller braconner sur les terres seigneuriales. Bien mal leur en prend puisqu’ils sont surpris et arrêtés. Ils sont alors condamnés à devenir des berserkirs, ces fameuses entités des mythologies nordiques, mi-guerrier et mi-bête. Pour ce faire, on leur inocule un mystérieux parasite chargés de les transformer. Au terme d’une cérémonie brutale, on les relâche dans un royaume abandonné et peuplé de ces étranges créatures pour vivre leurs sept derniers jours d’humanité avant que la transformation ne soit effective. À moins que le légendaire Roi des Fauves ne puisse enrayer l’inéluctable. S’en suit alors une quête haletante et violente, un combat contre les autres et contre la part de bestialité qui sommeille en eux, le tout dans une atmosphère de tension qui grimpe crescendo. Une très belle réussite et encore une fois chapeau à Aurélien Police pour une couverture à couper le souffle.
Rouille de Floriane Soulas (Scrinéo, 2018).
Rouille nous conte l’histoire de Violante, une jeune femme amnésique, obligée de se prostituer dans un bordel de luxe pour survivre. Malgré sa position peu enviable, on comprend assez vite grâce à ses manières et à son éducation que Violante (ou Duchesse de son nom de scène) est sans doute issue des couches aisées de la société de l’époque victorienne. L’histoire prend alors des allures de quête personnelle pour retrouver son identité. En parallèle, Violante va également enquêter sur le sordide crime (et le trafic de drogue qui l’accompagne) qui a coûté la vie à sa meilleure amie.
Si, sur le fond, l’histoire est un peu classique, la forme compense largement le tout. Floriane Soulas (aussi connue sur Booktube pour sa chaîne Sailor Flo) nous offre un Paris steampunk des plus convaincants, que ce soit dans les bas-fonds sordides de la capitale ou intra-muros où les automates côtoient les dirigeables et où le gratin parisien nous présente ses plus belles toilettes. Une atmosphère envoûtante qui est d’ailleurs encore une fois parfaitement mise en lumière par la couverture signée Aurélien Police. Pour les amateurs de cuivre et d’héroïne badass !
Nouvelle Sparte, Erik L’Homme (Gallimard jeunesse, 2017).
Attention, alerte coup de cœur ! Nouvelle Sparte est le dernier roman jeunesse d’Erik L’Homme et c’est en quelque sorte l’OLNI (Objet livresque non identifié) de sa bibliographie. Plutôt un habitué du fantastique et de la fantasy, Erik L’Homme nous offre cette fois-ci une dystopie. Dans un monde post-apocalyptique, deux siècles après les grands bouleversements qui ont balayé le monde d’avant, la cité-état de Nouvelle-Sparte vit en paix au bord du lac Baïkal. C’est là que Valère et Alexia, seize ans, se préparent à vivre les cérémonies de leur passage à l’âge adulte. Mais la cité, qui vit selon les préceptes en vogue à l’Antiquité, est secouée par une série d’attentats. Valère est alors chargé par le gouvernement de mener l’enquête en Occidie, le pays de toutes les inégalités … Il ne tient d’ailleurs qu’au lecteur de dresser des parallèles entre cet univers et notre société, ce qui est fort enrichissant.
L’auteur change pour l’occasion complètement de style d’écriture : des phrases courtes et percutantes, et surtout, l’utilisation de mots-valise, qui injectent encore plus de profondeur et de signification au récit. En bref, voilà un roman marquant, d’une grande poésie et d’une grande sensibilité qui amène à la réflexion et à la philosophie !
Satinka, Sylvie Miller (Critic, 2017).
Syvlie Miller a signé, en collaboration avec Philippe Ward, la série Lasser, détective des dieux et, l’an passé, a publié son premier roman en solo : une plongée dans l’Amérique du XIXe siècle – mais pas que ! – avec des clans, de la magie et le célèbre Cheval de Fer ! Satinka, en effet, joue sur des récits croisées. D’abord, celui de Jenny, jeune serveuse de notre époque, absolument fascinée par les trains et qui a régulièrement des visions criantes de vérité du chantier du train Transcontinental ; ensuite, celui de pionniers irlandais, au XIXe, partis chercher fortune à l’autre bout du continent et surtout… un coin tranquille pour les magiciens qu’ils sont ; enfin, un mystérieux médecin chinois, quasiment esclave sur le fameux chantier. L’histoire mêle alors fantasy historique et fantasy urbaine, traditions des différents clans qui ont peuplé les États-Unis et, bien sûr, magie à tous les chapitres ! L’intrigue est à la fois bien documentée, très enlevée et riche en péripéties, ce qui la rend accessible aux néophytes du genre, ou aux lecteurs moins aguerris !
Passé déterré, Clément Bouhélier (Critic, 2017).
Envie de frissonner ? Alors ne faites pas un pas de plus et arrêtez-vous sur Passé déterré, un roman qui mêle avec beaucoup de bonheur horreur et fantastique.
À Vernay, 7 enfants sont morts dans un accident de car, provoqué par un chauffeur ivre. Six ans plus tard, celui-ci est salement assassiné chez lui et, depuis, des forces obscures hantent vraisemblablement le village. Le roman commence comme un thriller car, après tout, qui a troué la peau du chauffeur, miraculeux rescapé, si longtemps après son crime ? Mais rapidement, le thriller tourne au récit d’horreur, lequel est fort réussi car proprement terrifiant ! C’est par de petits signes insidieux que s’installe le fantastique horrifique dans le récit, propre à faire dresser les cheveux sur les têtes des lecteurs. Frissons garantis, donc et âmes sensibles s’abstenir !
Les Abîmes d’Autremer, Danielle Martinigol (Mango, 2001 ; réédition Actusf 2017).
Danielle Martinigol est une grande dame de l’imaginaire : il y a 15 ans, elle faisait déjà rêver les adolescents avec ses Abîmes d’Autremer. Et le mieux, c’est que la relecture est aussi bonne que la première découverte !
Dans cette trilogie, on suit (pour commencer) Sandiane, une jeune reporter aux dents longues qui, à la faveur d’un naufrage spatial, va monter à bord d’un Abîme, un des légendaires et très secrets vaisseaux de la planète Autremer. L’occasion ou jamais de découvrir enfin ce que cachent les Autremeriens… Un secret qui pourrait bien faire basculer l’univers entier ! La trilogie s’étale sur une assez longue période ce qui fait qu’au gré des tomes, on retrouve les personnages précédents, plus vieux de quelques années. Le récit, tout science-fictif, est très accessible que ce soit pour les plus jeunes, ou pour les lecteurs n’étant pas habitués à la SF. Aventure, émotions fortes, complots intergalactiques, suspens, tout est là pour faire passer aux lecteurs un excellent moment !
Les Extraordinaires et Fantastiques enquêtes de Sylvo Sylvain, détective privé, Raphaël Albert (Mnémos, 2010).
Sous ce titre délicieusement long et propre à perdre le lecteur, se cachent d’excellents romans mêlant polar, fantasy urbaine et steampunk. Dans un Paris des années 1880 alternatif, tous les peuples se croisent : humains, elfes, nains, ogres et autres pixies vivent plus ou moins en bonne intelligence. Parmi ceux-ci, Sylvo Sylvain, elfe désabusé et détective privé de son état, habitué aux filatures, maris volages et autres adultères à confondre séance tenante. Cette fois… Sylvo met peut-être bien les pieds dans quelque chose de trop grand pour lui !
Sous la plume de Raphaël Albert se dresse un Panam très vivant, peuplé de personnages tantôt gouailleurs, tantôt angoissants. Si l’intrigue tient en quelques 300 pages, elle n’en est pas moins complexe ; elle repose sur un univers riche et dont le premier volume ne suffit pas à explorer toutes les ramifications. Bonne nouvelle, les quatre tomes qui constituent la série sont déjà parus !
Druide, Olivier Peru (Eclipse, 2010).
Si Passé déterré n’a pas suffit aux plus braves d’entre vous, nous vous conseillons également Druide, d’Oliver Peru. Le climat est tendu dans les Royaumes du Nord. Du fond de leur forêt ancestrale, la caste des Druides parvient malgré tout à maintenir un semblant de paix. Mais quand, dans la plus imprenable citadelle du Nord, quarante-neuf guerriers sont sauvagement assassinés, certains cherchent à prendre avantage du drame qui vient de se jouer et à relancer le conflit qui oppose les deux principales familles régnantes. Pour éclaircir le mystère, Obrigan — le druide aux yeux blancs — est très vite missionné avec ses deux apprentis. Ils essaient alors de faire entendre raison aux partis en présence et tentent de les empêcher de s’entre-déchirer. Commence ensuite une quête de 21 jours qui emmènera Obrigan et ses deux compagnons au coeur des lieux les plus sombres et les plus reculés de la forêt. Impression de danger, angoisse omniprésente, palpitations : le récit bascule petit à petit de la fantasy vers l’horreur. Peu d’ouvrages peuvent se targuer d’avoir une telle intensité, surtout pour un one-shot. Brillant !
Le Déchronologue, Stéphane Beauverger (La Volte, 2012).
Un peu de science-fiction pour changer de toute cette fantasy !
Mer des Caraïbes, XVIIe siècle : Henri Villon et ses pirates luttent pour préserver leur liberté dans un monde déchiré par d’impitoyables perturbations temporelles. Leur meilleure arme ? Le Déchronologue, un vaisseau dont les canons peuvent tirer… du temps. En prenant la mer, Villon espérait sans doute mettre la main sur un trésor, mais certainement pas tomber sur un vaisseau de fer glissant sans efforts dans l’orage, crachant la foudre et semant la mort dans son sillage ! Pour être tout à fait honnête, le roman n’est pas purement de SF, car on y trouve des accents de fantasy et de roman historique, pirates obligent. Les personnages, d’ailleurs, sont haut en couleurs et ont souvent le verbe fleuri. C’est d’ailleurs ce qui fait le charme du roman : Stéphane Beauverger use d’une langue riche, souvent châtiée, parfaitement maniée, qui donne follement envie de lire de longs passages à voix haute pour mieux y goûter ! Ne vous laissez pas rebuter par le mélange des genres, car le résultat est incroyablement bon !
10 auteurs, 10 romans, 10 manières de fêter l’imaginaire pour ce mois d’octobre ! Installez-vous confortablement, sortez vos écharpes et vos plaids, faites brûler une bougie et savourez la lumière dorée de cette période où la frontière entre la magie (des livres) et la réalité est un peu plus fine …
Soyez le premier à commenter