La Maison des Morts, la fureur de vivre

La Maison des morts, Sarah Pinborough

YOUNG ADULT — Sarah Pinborough est une romancière américaine spécialisée dans la fantasy et les romans d’horreur / terreur. Avec sa couverture glaciale et sa tranche sombre, la dernière parution — La Maison des Morts — de l’auteure aux éditions Milady a de quoi faire trembler, tout comme son résumé.

Toby vivait une vie parfaitement normale. Jusqu’au jour où un test sanguin révèle qu’il est porteur d’une déficience. Arraché à sa famille à la suite du diagnostic, Toby va désormais vivre dans une maison sur une île déserte — la Maison des morts — avec les autres jeunes porteurs de cette mutation génétique. Là, les journées se suivent, dans la crainte du moindre nouveau symptôme, car alors chacun sait au fond de lui qu’on les emmènera au sanatorium, d’où personne ne revient jamais. Leader naturel du dortoir numéro 4, Toby lutte avec toute la fougue de ses 16 ans pour être résilient, oublier ses peurs, faire une croix sur son passé et sur sa furieuse envie de vivre. Pourquoi se battre contre l’inéluctable ? Jusqu’au jour où Clara débarque elle aussi dans la Maison des morts : le fragile équilibre est rompu et la quotidien de Toby prend un tournant inattendu.

Surprise : alors que la quatrième de couverture laisse à penser que nous allons avoir affaire à un huis-clos, voire à un thriller psychologique, l’histoire prend assez vite la direction d’une dystopie. Le choix d’utiliser des personnages mineurs n’y est sans doute pas étranger. D’ailleurs, Sarah Pinborough pousse l’opposition adultes / adolescents encore plus loin puisque toutes les personnes majeures de ce roman sont aseptisées, floutées, substituables les unes aux autres. Les adultes sont fades et inexistants, ce qui renforce cette impression de roman young adult.

La Maison des morts, Sarah Pinborough

Les débuts sont plutôt lents : l’auteure prend tout son temps pour retranscrire l’atmosphère du dortoir 4 et introduire petit à petit ses différents membres. Car ce roman n’est pas juste à propos de Toby. Celui-ci prend soin de tout son dortoir et parmi eux de Will, Louis et Ashley. Chacun lutte à sa manière contre la fatalité et contre ses peurs. Tous savent bien évidemment qu’ils sont condamnés mais ils n’en savent pas plus : ils ignorent quel est ce gène déficient, ils ignorent ce qu’il se passe réellement au sanatorium, ils ignorent pourquoi eux … C’est ensemble qu’ils voient les autres dortoirs être décimés par la maladie. Ashley va se réfugier dans la religion, Louis dans la logique et les sciences, Will dans son amitié avec Louis, … Une bonne moitié du livre s’intéresse donc aux interactions entre les jeunes adolescents : camaraderie, amitiés, inimitiés, disputes, tout y passe et il ne se passe pas grand chose d’autre, à part cette tension sous-jacente qui monte crescendo au fil des pages. Jusqu’à l’arrivée de Clara, qui, malgré elle, va être le rayon de soleil de la maison. Elle va (r)éveiller Toby à la vie, et à travers lui, toute la maisonnée, sans toutefois pouvoir arrêter l’implacable maladie.

La force et l’originalité de ce livre, c’est son dernier tiers et son final. Bien évidemment, nous ne spoilerons pas l’intrigue mais sachez seulement qu’elle justifie les commentaires élogieux que l’on trouve en quatrième de couverture. Émouvante, frustrante (dans le bon sens du terme !), inattendue, la toute fin du roman est un régal de lecteur qui compense finalement les lenteurs des 200 premières pages.
On regrettera cependant que l’auteure soulève beaucoup de questions sans en donner les réponses à la fin, ce qui peut également s’avérer frustrant.

Lecteur, si tu cherchais le récit d’horreur promis par le résumé et la quatrième de couverture, méfie-toi ! Ce roman s’apparente plutôt à de la dystopie (et l’histoire d’amour que tout le monde sent venir est bien en phase avec ce que l’on a déjà pu voir du style). Mais pourtant, ce roman mérite sa chance : la fin est d’une rare intensité et mérite à elle seule le détour !

La Maison des morts, Sarah Pinborough. Milady, octobre 2018. Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Florence Moreau.

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