BILAN — Une fois n’est pas coutume, je vous livre aujourd’hui un article un peu plus intime. 2020 est sur le point de s’achever, mettant un point final à une décennie très riche à titre personnel (ne chipotons pas, j’aurais sûrement dû faire cet article plutôt fin 2019, mais enceinte, je manquais d’énergie).
En janvier 2010, je venais d’avoir dix-neuf ans et j’étais étudiante en deuxième année de fac d’anglais. Je bossais à Monoprix mes week-ends pour mettre de l’argent de côté, rêvant de voyages, et de mon propre appartement. J’étais déjà en couple avec Kévin. Café Powell naîtrait presque trois ans plus tard. En décembre 2020, mon dieu, j’ai trente ans. Je suis mariée, mère de famille (deux filles et un chat), je travaille dans l’édition depuis 8 ans. Autant dire que ma vie a énormément changé en dix ans. Quid de mes lectures ?
Des chiffres
Depuis le premier janvier 2010, j’ai lu la bagatelle de 1 253 bouquins. Beaucoup les premières années : j’étais étudiante, puis jeune active, avec finalement beaucoup de temps libre, même si je criais être débordée d’un air scandalisé à peu près deux fois par jour. Je lisais plus de cent livres par an, y consacrant mes soirées, et mes week-ends (après avoir quitté le monde du job étudiant en 2011). En 2014, j’ai même réussi mon challenge Goodreads en lisant pile poil 150 livres. Quand on y pense, c’est vraiment énorme.
Une cassure dans le rythme de lecture apparaît très nettement en 2018 : cette année-là j’ai lu 78 livres, dont 48 juste pour les trois premiers mois de l’année. Saurez-vous deviné ce qu’il s’est passé cette année-là fin mars ? Ce n’est pas très dur : Julia est arrivée, avec son cortège de nuits difficiles et fractionnées. La naissance d’un enfant est un très grand bonheur, mais ne nous leurrons pas : la conception du temps change radicalement, et le temps libre que l’on occupait auparavant bien volontiers à bouquiner dans le canap’, on préfère désormais l’employer à prendre enfin une douche ou surtout… à dormir ! 2019 est une bonne illustration de ce que donne ma vie de lectrice ET maman : 42 livres engloutis, principalement parce que je travaille dans l’édition et que ça fait partie du job, et parce que les transports en commun me permettent de lire.
2020 enfin constitue une anomalie de ce point de vue là. Au 14 décembre, j’en suis à 87 livres lus, plus du double de l’année passée, alors que j’ai justement doublé mon nombre d’enfants. Facile, il y a eu pour cela le congé mat’, avec plusieurs mois alitée avec ordre de me reposer et de garder au chaud un bébé qu’on pensait être un peu pressé. Puis, Margaux est née. L’expérience de ma première maternité a été riche d’enseignement, et j’ai pu lire plus facilement : j’ai acquis une liseuse. Je me souvenais que Julia avait passé peu ou prou ses deux, trois premiers mois à pioncer sur mon torse. J’avais passé ce temps-là à mater des Disney, à revoir la moitié de Desperate Housewives et à comater devant La Maison des maternelles. « Cette fois-ci, je lis ! » me suis-je dit. Et j’ai lu. Je n’ai toujours pas revu la seconde moitié des aventures des femmes au foyer de Wisteria Lane. Bizarrement, j’ai mieux vécu mon congé mat’.
Des moments importants
J’en ai déjà parlé sur les réseaux sociaux, et parfois ici, mais je répertorie mes lectures depuis 2003 : c’est pour ça que je suis en mesure de vous donner des chiffres si précis. C’est parti d’une boutade de ma grand-mère maternelle qui me voyait toujours un livre à la main. « Mais tu prépares le record du monde de boulimie de lecture ou quoi ?« . Ah OK. Si c’est comme ça, je vais voir combien de bouquins je lis pour de vrai. J’avais 12 ans. J’en ai trente dans quelques jours et j’ai gardé le pli. C’est inespéré. Ce carnet d’écolière rempli d’une écriture qui s’affermit avec le temps est précieux. Dans la marge, j’ai inscrit ce que je lisais à des moments charnière de mon existence. Ainsi, pour la décennie qui nous intéresse :
World Without and End, Ken Follett – août 2010 / Voyage à New York
De l’eau pour les éléphants, Sara Gruen – février 2011 / Premier appartement
Home, Toni Morrison – septembre 2012 / Permis
A nous deux Paris, Benoît Duteurtre – décembre 2012 / Premier article sur Café Powell
Du côté de Canaan, Sebastian Barry – février 2014 / Entretien d’embauche décisif
Contrecoups, Nathan Filer – novembre 2014 / Adoption de Martin le chat
Un ciel rouge le matin, Paul Lynch – septembre 2015 / Mariage
La destinée, la mort et moi, comment j’ai conjuré le sort, S.G. Browne – avril 2018 / Naissance de Julia
Phobos T3, Victor Dixen – mai 2020 / Naissance de Margaux
Des coups de coeur
Il arrive de temps en temps qu’on lise un livre qui nous émeut tout particulièrement : souvent, cette sensation se dilue dans le temps. Parfois, l’émotion très forte que l’on a ressentit demeure. Quand je regarde toutes mes lectures depuis 2003, je constate que je m’enthousiasmais plus facilement adolescente qu’adulte : est-ce par qu’à un âge tendre, on est plus facilement impressionnable, qu’on a la passion facile ? Ou est-ce que je lis des livres moins bons maintenant ? Peut-être un peu des deux. Toujours est-il que la plupart des livres que je tiens pour mes préférés encore aujourd’hui sont des livres lus en 2006 ou 2007… Une éternité !
Pour la décennie qui nous intéresse, j’ai marqué 7 livres comme « énormes coups de coeur ». C’est marrant parce que maintenant que j’en compulse la liste, je crois que je ne serais pas capable de les résumer avec précision. Je me souviens vaguement de ce qui m’a plu. Je crois que je me souviens mieux des fameux bouquins de 2007. Je lis beaucoup, j’oublie vite les intrigues, et les personnages. Je peux parcourir des titres de ma liste en étant tout bonnement incapable de m’en figurer le visuel de couverture, sans parler de l’histoire (c’est rare, tout de même. Généralement, je me souviens tout de même de quoi ça parle). Pourrais-je les relire comme si je ne les avais jamais découverts ? Peut-être.
Mais revenons à nos moutons. Voici la liste des gros coups de coeur de la décennie.
Geisha, Arthur Golden / Janvier 2010
Kane et Abel, Jeffrey Archer / Mai 2012
22/11/63, Stephen King / Mars 2013
Les Vies parallèles de Greta Wells, Andrew Sean Greer / Février 2014
Morning Star, Pierce Brown / Juin 2016
La Colonie, Chris Dolan / Juillet 2016
Station Eleven, Emily St John Mandel / Mars 2017
Je remarque plusieurs choses : il semblerait que j’ai un truc pour les sagas qui courent sur plusieurs décennies (Geisha/Kane et Abel/La Colonie), et pour les livres qui explorent « ce qui aurait pu être » (22/11/63 ou Greta Wells). Tout lectrice assidue de littérature jeunesse que je suis, seul un titre YA (Morning Star) se place dans la liste, et en toute honnêteté, je crois que cette trilogie tient plutôt de la SF adulte. Mine de rien, c’est relativement équilibré et cela reflète mes goût : je le sais, j’aime effectivement les romans longs qui couvrent toute la vie de leurs personnages principaux, j’aime les romans qui se passent aux USA (ou loin, en tout cas), et j’aime l’imaginaire. J’aime la littérature étrangère. De toute cette liste, aujourd’hui, en 2020, deux me marquent particulièrement : 22/11/63 et Morning Star.
22/11/63, car Stephen King est un auteur que j’aime beaucoup, mais dont l’oeuvre est relativement inégale. 22/11/63 sort de ce qu’il fait habituellement : j’ai aimé le format uchronique, la profonde nostalgie qui sourd des pages, les références à Ça, la plongée dans l’histoire américaine. C’est probablement son chef d’oeuvre absolu. Et non, je n’ai pas réussi à regarder la série.
Morning Star, car c’est la conclusion d’une trilogie de haute volée, ambitieuse en tout point, qui tire de la dystopie et de la SF le meilleur. Pierce Brown ne joue tout simplement dans la même catégorie que tous ceux qui ont essayé de dépeindre une société imaginaire hautement hiérarchisée. Rien que le premier tome, superbement dense, vaut le détour. Et j’ai jugé le troisième le meilleur de tous, alors imaginez !
Dernier constat : rien depuis 2017. Il semblerait que la grossesse, puis la maternité, m’ont blasée un poil. Mais c’est vrai, depuis 2017, j’ai eu beaucoup de lectures agréables, voire enthousiasmantes. J’ai eu quelques coups de coeur. Mais pas de feu d’artifice littéraire.
Sur la période 2010/2020, je note 104 lectures coup de coeur (simple, cette fois-ci, pas le feu d’artifice des 6 cités plus haut), dont 13 depuis 2018. Oui, peut-être qu’on m’émeut moins facilement aujourd’hui. Mais je reste plutôt bon public.
Enfin, pour terminer : je n’ai noté que 3 lectures vraiment mauvaises (bon, ceci dit, j’ai abandonné pas mal de livres en chemin, et je n’en tiens donc pas compte ici). Toutes 3 sont des lectures de 2010/2011, preuve qu’après ça, j’ai tout bonnement perdu patience et décidé que ça ne valait pas le coup de perdre son temps avec un livre qui ne me plaisait pas.
Et vous, quel bilan tirez-vous de cette décennie de lectures ?
Soyez le premier à commenter