ANTICIPATION JEUNESSE — Silène Edgar est une autrice qui sait parler aux adolescents : sa plume vise toujours juste et ses histoires nous transportent. Touche à tout dans la vie réelle, elle l’est aussi dans sa bibliographie. Après l’avoir découvert dans des romans de fantasy (Moana), dans des livres jeunesses historiques (La Dame des murs, 14-14, Les Lettres volées), nous la suivons donc via cette chronique dans un roman d’anticipation aux accents criants de vérité.
Aujourd’hui. Hadrien et Blanche vivent en Bretagne et ils ont envoyé leur fille Elizabeth en Espagne chez ses grands-parents pour les vacances. Mais une coupure d’électricité plonge la France, ainsi que toute l’Europe, dans le noir. Le gouvernement reste vague tandis qu’un mystérieux appel résonne sur les ondes. Que se passe-t-il réellement ? Pourquoi ces avions de chasse en direction du Sud ? La guerre est-elle à nos portes ? Malgré la panique ambiante, le rationnement de l’essence et les injonctions des autorités, Hadrien et Blanche décident de se rendre par eux-mêmes en Espagne afin de récupérer leur fille.
Demain. À Paris, les habitants vivent au rythme de l’état d’urgence. Blanche est devenue Bianca, résistante. Les opposants à la dictature médiatique utilisent les réseaux de consommation pour faire passer leurs messages, sur les barquettes de poulet, les barils de lessive ou dans les fortune cookies, mais, bientôt, il faudra aller plus loin. Bianca trouve de la force entre les bras de Joshua, mais jamais elle ne parle ni d’Hadrien, ni d’Élisabeth. Car quelque chose a basculé sur la route.
Cette fois pas de pandémie mondiale, mais pourtant ce même sentiment d’être confronté à des réalités que l’on aurait voulu ne pas connaître. Initialement écrit en 2012, ce roman a finalement pris un autre sens avec les années. Car en bientôt 10 ans, la France aura connu – entre autres – les états d’urgence (militaires et sanitaires !), les attaques terroristes et une pandémie. Les textes de loi qui émaillent le texte font désormais partie de notre quotidien. Silène Edgar pose alors la question de la dictature médiatique et de l’engagement de chaque citoyen à l’encontre de cette situation. Comment sortir de l’inertie quand tout déraille ? Car le quotidien rassure …
Le récit alterne des chapitres sur Blanche avec ceux sur Bianca, entrecoupés de petits intermèdes divers et variés : des textes officiels et des paroles de chanson, qui font réfléchir. Seulement quelques mois se sont écoulés entre les deux parties même si les bouleversements observés sont ceux de toute une vie. Les chapitres sont courts, ce qui rend le tout extrêmement dynamique et contribue à faire monter la tension. Résultats ? On tourne les pages à toute vitesse pour découvrir le dénouement. La fin est peut-être un poil rapide, mais c’est sans doute un parti pris pour laisser le texte ouvert et pousser le lecteur à la réflexion.
Bref, voilà un roman percutant, du genre de ceux qui mettent le doigt sur quelque chose de plus grand que chacun d’entre nous. Son format dynamique le rend très accessible et sa réédition apporte un éclairage nouveau sur le récit. On conseille !
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