Le Fleuve de la liberté : une fiction historique le long de la rivière Ohio !

Le Fleuve de la liberté, Martha Conway

INDIANA — Le saviez-vous ? Autrefois, la rivière Ohio formait une frontière naturelle entre le nord et le sud des États-Unis. Traverser le cours d’eau était donc une étape nécessaire et cruciale pour les esclaves en fuite qui quittaient le sud esclavagiste pour le nord libre.

C’est cette rivière qui descend le bateau-théâtre de Hugo Cushing en ce mois d’avril 1838. Son va et vient des berges sud aux berges nord en fait donc tout naturellement un atout stratégique de poids pour les abolitionnistes.

Mais revenons un peu en arrière : en avril, un vapeur qui descend le fleuve voit une de ses chaudières exploser, causant le naufrage du navire et de nombreuses morts. Parmi les rescapés, May Bedloe, une jeune couturière de 22 ans qui accompagne sa cousine actrice. May est réservée et d’une franchise troublante : tout ce qu’elle pense quitte aussitôt sa bouche. Mais les événements qui suivent vont lui apprendre l’art du mensonge et de la duplicité. La voilà bientôt embauchée sur le bateau-théâtre de Hugo Cushing où, pour payer une dette, on lui demande d’aider les esclaves en fuite à traverser vers le nord.

Fiction historique résolument efficace, Le Fleuve de la liberté est romanesque sans pour autant verser dans le sentimental ou l’aventure bas de gamme. Là où l’Histoire aurait pu être inutilement embellie par une romance passionnée et des péripéties capillotractées, l’autrice a préféré donner comme cadre à son intrigue les coulisses d’un théâtre sur l’eau. Le lecteur appréciera de découvrir comment fonctionne une troupe dans les années 1830, les superstitions qui ont cours au sein des compagnies et la manière dont on montait une pièce. Le fait que le tout se passe sur l’eau est forcément très rafraîchissant : aucune monotonie dans le récit !

Autre aspect historique intéressant, bien sûr : le portait de l’esclavage. May vient de New York, elle porte sur les choses un regard aussi neuf que peut l’être celui du lecteur. Elle pose des questions, dresse un bien triste constat. En filigrane, toute l’horreur de la chose se dévoile : les familles séparées, les châtiments corporels, les exécutions sommaires, les viols… Bien vite, une solution apparaît : le combat des abolitionnistes, leurs discours publics et leurs actions clandestines : le chemin de fer clandestin dont May deviendra, malgré elle, un des maillons.

Du point de vue fiction, le roman se montre extrêmement divertissant : le style est agréable et efficace, les personnages bien brossés, il y a de l’amitié, de la trahison et, oui, une toute petite romance amenée très subtilement (c’est suffisamment rare pour être souligné !). Le personnage principal est original en soi : May est d’une honnêteté désarmante, le mensonge social lui est tout simplement inconnu, les dialogues sont donc parfois très drôles. En somme, tout est réuni pour que le roman soit facile à dévorer, un authentique divertissement.

Bonne pioche avec ce roman historique de bonne facture, qui vous plongera dans l’univers du théâtre et de l’abolitionnisme au début du XIXe siècle.

Le Fleuve de la liberté, Martha Conway. Jean-Claude Lattès, 2018. Traduit de l’anglais par Manon Malais.

A propos Emily Costecalde 1154 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

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