FANTASY — Patrick K. Dewdney est un auteur franco-britannique. Les deux premiers tomes de sa saga de fantasy, Le Cycle de Syffe, prévue en sept tomes, ont fait une entrée remarquée, puisqu’ils ont été récompensés du Grand Prix de l’Imaginaire, du Prix Julia Verlanger et d’une Pépite à Montreuil ! Alors que la publication du troisième tome approche, on parle aujourd’hui du premier volume de la saga : L’Enfant de poussière. Chez Café Powell, nous avons été trois à lire ce premier volume : c’est aujourd’hui trois lectrices enthousiastes qui vous donnent leur avis !
Le roi est mort, vive le roi ! Dans les bas-fonds de Corne-Brune, un roi ou autre, cela ne change pas grand-chose. C’est en tout cas ce que se dit Syffe, un orphelin qui ignore tout de ses origines, vit de petites rapines et partage son temps entre les autres orphelins avec qui il traîne et les enfants des Clans lorsque leur existence nomade les ramène dans la cité frontalière du pays sauvage. Or, la mort du roi et l’éclatement politique qui s’ensuit plongent les primeautés de Brune dans le chaos. La libre enfance de Syffe prend fin le jour où il est contraint d’entrer au service du seigneur local… et se retrouve accusé d’un meurtre qu’il n’a pas commis.
Ce premier tome, scindé en plusieurs parties, voit les années de formation de Syffe : tout d’abord recruté par le chef de la garde, puis espion au service du seigneur local, il sera également formé par un chirurgien et un vétéran de guerre d’un pays voisin. Pour autant, il est difficile de parler de roman d’apprentissage, tant il semble que le personnage n’a jamais, au grand jamais, son destin en main. De chapitres en chapitres, il subit les décisions et magouilles des autres, lesquelles ont toujours un impact dramatique sur sa vie. L’auteur ouvre des pistes, qui se révèlent des cul-de-sacs : rien n’est jamais acquis, et si à un moment donné le destin de Syffe peut sembler tout tracé, ce n’est qu’un stratagème narratif pour mieux déstabiliser le lecteur quand tout bascule. Syffe aurait pu vivre mille vies différentes, si la politique et de mystérieux assassinats ne s’en étaient pas mêlées…
En effet, on comprend bien qu’il y a, dans les primeautés, de solides oppositions et conflits politiques. Pour autant, on n’en saisit que des bribes et toute cette trame passe largement en toile de fond. Même si le récit est fait a posteriori par un Syffe plus âgé, il nous replonge réellement dans son état d’esprit et de connaissances d’alors. Et soyons honnête, pour un enfant de 7 ans, la politique n’a pas grand intérêt ! Le parti-pris narratif est vraiment intéressant et sert tant le suspense que le récit initiatique ! Cependant, le jeune âge de Syffe sert également à faire ressortir la violence de ce qu’il subit : la mort qui n’est jamais loin, le sang, les coups, la peur. Même celui qui s’avère être son nouveau mentor estime que l’enfant doit se construire dans la douleur, la haine et l’épuisement s’il veut espérer devenir un guerrier : les plus sensibles d’entre vous seront probablement dérangés par le message sous-jacent, par le sang qui gicle et les bleus qui marbrent la peau tendre de l’enfant. C’est en encaissant les coups du vétéran qui le forme que Syffe devient un homme. Le narrateur adulte ne remet pas en question cet état de faits : une telle enfance à la Dickens n’est pas rare en fantasy, attendons de voir si les tomes suivants apportent finalement un jugement sur cette éducation à la rude…
Il faut dire aussi que l’on se laisse complètement embarquer par la plume riche et ciselée de l’auteur qui sait y faire pour donner à voir son univers, oscillant entre bas-fonds crasseux et nature enchanteresse. Les chapitres regorgent de détails et le récit alterne vocabulaire soutenu ou très familier suivant les sphères que l’on arpente. Le rythme assez lent du récit convient parfaitement à l’intrigue, particulièrement dense et riche et dans laquelle on se plonge avec délices !
Pour ceux qui ont lu — et aimé — l’Assassin royal de Robin Hobb, vous apprécierez sans aucun doute cet univers et ces personnages qui ne sont pas sans rappeler Fitz et les Six-Duchés. Mais si l’ambiance est similaire, Patrick K. Dewdney réussit tout de même l’exploit de s’affranchir de l’autrice américaine pour donner à Syffe un destin unique.
On n’en doutait pas une seconde à l’ouverture du premier tome : tous ces prix sont amplement mérités ! Ce premier tome est d’une profondeur incroyable et ne donne qu’une seule envie : enchaîner avec le suivant – ce qui est d’ores et déjà prévu !
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