BIOGRAPHIE ROMANCÉE — Jasmin Darznik est née à Téhéran mais a grandi en Amérique. Diplômée en littérature de l’université de Princeton, nous vous proposons aujourd’hui de découvrir son troisième roman, Les Bohémiennes. Elle nous emmène ainsi sur les traces d’une célèbre photographe lors de sa découverte de San Francisco.
1918. Dorothea Lange a 23 ans et une envie folle d’en découdre avec la vie quand elle débarque à San Francisco. Mais dès son arrivée, c’est la douche froide : elle se fait voler le peu d’argent qu’elle possède et finit par mettre son bien le plus précieux en gage ! C’est finalement un mal pour un bien qui marque un tournant dans sa vie. Assez vite, elle se lie d’amitié avec Caroline Lee, artiste au passé compliqué, grâce à laquelle elle intègre le Monkey Block, haut lieu de la bohème. Propulsée dans un monde grisant de liberté, d’art et de politique, Dorothea monte avec Caroline un studio florissant, mais une trahison va bouleverser le cours de leur vie.
Néophyte sur le sujet, ce livre aura été une formidable opportunité de découvrir Dorothea Lange, l’une des artistes-photographes les plus engagées du XXe. Ce roman traite plus précisément de ses débuts à San Francisco et de comment la jeune femme parvient à lancer sa carrière. La quatrième de couverture précise également que “les visages qu’elle immortalise révèlent au monde l’ampleur de la Grande Dépression, et ses portraits emblématiques vont littéralement ouvrir les yeux d’une nation”. Cette précision est finalement dommage puisqu’elle induit un peu le lecteur en erreur. Il ne faut en effet pas s’attendre à lire à propos de cette période de la vie de Dorothea : en effet, le livre se concentre sur les années 20 et survole les décennies suivantes. Cela induit donc un petit décalage entre attente et réalité … Ceci dit, une fois le cadre posé, Jasmin Darznik nous propose un roman agréable et bien écrit, peut être un poil fantasmé.
Les débuts sont en effet un peu lents et idéalisés : la jeune Dorothea débarque à San Francisco pleine d’enthousiasme, mais le destin se joue d’elle. Sans le sou, elle enchaîne les heureuses rencontres et inverse très vite la vapeur … Tant mieux pour le personnage mais pas forcément réaliste, non ? L’autrice a choisi d’appréhender cette biographie (très) romancée par le prisme d’une amitié. Pour ce faire, elle a inventé le personnage de Caroline Lee, basée sur l’existence réelle mais peu documentée d’une assistante d’origine chinoise de la photographe au début de sa carrière. Et le parti pris est intéressant puisqu’à travers Caroline, cela nous permet de découvrir et de mieux appréhender le racisme dont les immigrants d’origine asiatique ont été la cible à cette époque. Le roman décolle en même temps que la carrière de Dorothea et le rythme devient vite plus plaisant à lire. On suit alors les 2 jeunes femmes dans la construction et l’aménagement de leur studio photo (chose rare pour l’époque, d’autant plus pour des femmes !). On observe comment Dorothea passe doucement du portrait “commercial” au portrait plus humain, dans la rue et on devine les prémices de sa future carrière.
En conclusion : Les Bohémiennes est un roman qui se lit vite et qui atteint son but. À savoir, faire découvrir le travail et l’histoire d’une femme méconnue du grand public et donner envie les de creuser le sujet. Une bonne surprise !
Les Bohémiennes, Jasmin Darznik. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Florence Moreau. Hauteville, août 2022.
Soyez le premier à commenter