La joueuse de cithare : relecture fantasy d’un classique de la littérature chinoise !

FANTASY — Joan He est une autrice américaine, spécialiste de l’histoire chinoise. C’est donc assez naturellement qu’elle s’est tournée vers ce monument de la littérature chinoise que sont Les Trois royaumes pour son diptyque Le Royaume des Trois, qui en propose une relecture fantasy, avec nettement plus de personnages féminins que dans l’original. Le premier tome, La joueuse de cithare, a été traduit et publié en français en ce début d’année par les éditions Lumen.

En l’an 414 de la dynastie Xin, le chaos règne dans un royaume divisé. Au nord, une impératrice fantoche qui n’est encore qu’une enfant, manipulée par une régente sans pitié du nom de Miasma. Au sud, une jeune reine prête à tout pour venger la mort de sa sœur aînée. Au milieu, Xin Ren, seigneuresse sans terre – la plus idéaliste, la seule qui reste vraiment loyale à l’empire – aimée de tout un peuple.  Mais, dans un conflit impitoyable où tous les coups sont permis, la droiture de la jeune cheffe de guerre risque bien de coûter la vie à tous ses partisans.
Leur seul rempart dans la tempête, c’est Zéphyr, l’une des plus fines stratèges du pays, au service de Xin Ren, justement… La jeune fille se retrouve d’ailleurs contrainte, pour éviter un massacre, de passer à l’ennemi au moins en apparence. Elle fait la rencontre de l’énigmatique Choucas, l’un des tacticiens de la régente… Un adversaire à sa hauteur, enfin ! Saura-t-elle changer le cours entier d’une guerre en faisant des miracles pour parvenir à le manipuler ? Rien n’est moins sûr, car il semblerait que même les divinités aient pris part à ce conflit…

Dès les premières pages, c’est dans un contexte trapu que nous immerge l’autrice : la situation des guerrières (nous suivons le clan rassemblé autour de Xin Ren) n’est pas désespérée, mais presque, et il faut comprendre qui sont les factions en puissance. De plus, la protagoniste – qui est aussi la narratrice – n’est pas tellement en odeur de sainteté dans son propre camp, la faute à une arrogance qui laisse ses soeurs d’infortune au mieux, de marbre – et qui, au pire, lui donnent envie de l’étrangler, et il faut avouer que l’on comprend bien pourquoi. A ce contexte politique et guerrier s’ajoute une ribambelle de personnages plus ou moins importants, qui portent soit des noms de fleurs, soit des noms d’animaux et qu’il faut savoir resituer en fonction des amitiés et inimitiés en présence. Mais passé les quelques chapitres introductifs, on s’y fait !

Zéphyr étant la stratège de son camp, on assiste évidemment à quelques-uns de ses plans savamment ourdis, et qui respectent pour la plupart les 36 stratagèmes issus d’un célèbre traité chinois de stratégie. Tous ont de délicieux noms comme “regarder le feu depuis l’autre rive” ou “dissimuler une épée dans un sourire”, et il est assez amusant de voir comment Zéphyr les interprète ou les met en œuvre. Au point qu’on en aurait voulu plus !
Intrigues politiques et complots militaires sont donc au rendez-vous, ce qui occasionne maintes scènes de spectaculaires batailles ou de dilemmes moraux, Zéphyr étant prête à tout – même au pire ! – pour parvenir à ses fins. C’est un personnage volontiers ambivalent, et c’est intéressant de la suivre !

Codes du genre oblige, on n’échappe pas à la traditionnelle petite romance qui semble sortir de nulle part… Mais le retournement de situation qui intervient dans la deuxième partie du livre rend cette romance nettement plus intéressante, tant d’un point de vue narratif que dans celui de l’intrigue, qui prend subitement un tour complètement inattendu.
De fait, la fin de ce premier tome est particulièrement dense, et l’autrice sait s’y prendre pour donner envie de lire la suite (et fin).

La joueuse de cithare propose donc un récit épique à souhait, et qui change un peu des codes de la fantasy : cette relecture des Trois Royaumes avec plus qu’un brin de magie et au rythme particulièrement enlevé sait ménager suspense, rebondissements et émotions des personnages. Si ceux-ci sont très nombreux, ils servent aussi aux enjeux politiques et stratégiques de l’intrigue. Qui, après un retournement de situation particulièrement inattendu, donne très envie de connaître la suite !

Le Royaume des Trois, tome 1 : La joueuse de cithare, Joan He. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Raphaëlle Pache et Camille Cosson. Lumen, 9 février 2023.

A propos Oihana 710 Articles
Lectrice assidue depuis son plus jeune âge, Oihana apprécie autant de plonger dans un univers romanesque, que les longues balades au soleil. Après des études littéraires, elle est revenue vers ses premières amours, et se destine aux métiers du livre.

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