FANTASTIQUE — Dans les années 1870, un ranch isolé du Yucatán accueille les expériences étranges d’un docteur français, qui vit reclus avec sa fille et quelques domestiques…
Ce docteur, c’est le docteur Moreau : l’autrice propose en effet une variation de l’histoire imaginée par H. G. Wells, dans laquelle un savant fou se prêtait à des expériences contre-nature sur humains et animaux. Et de fait, dans le récit de Silvia Moreno-Garcia, le Docteur Moreau a réussi à produire des hybrides viables entre l’homme et l’animal : le but n’est pas très louable, puisqu’il s’agit, à terme, d’en faire de la main d’oeuvre efficace et bon marché pour les exploitations agricoles de son patron. C’est dans ce contexte qu’a grandi Carlotta, la fille naturelle du docteur, aujourd’hui une jeune femme. Le fragile équilibre du ranch vacille quand le fils du patron de son père vient en visite…
Roman délicieusement exotique, qui nous dévoile à quoi pouvait ressembler le Mexique de la fin du XIXe siècle, La Fille du Docteur Moreau est une bonne surprise, qui combine un léger arrière-plan historique à du fantastique un peu glauque. L’enjeu réel du roman, c’est le quête de liberté de la fille Moreau, qui doit s’affranchir de la tutelle de son père à une époque résolument hostile aux femmes. Carlotta n’est vue par le docteur que comme sa plus belle expérience (il se vante de lui avoir sauvé la vie grâce à ses expériences combattant une obscure maladie du sang) et une monnaie d’échange lui assurant davantage de financements grâce à un beau mariage. Mais Carlotta vaut bien plus que cela, et elle va tout faire pour le prouver !
Eugénisme, colonialisme, racisme, et machisme (tant de mots en -isme !) sont bien sûr une part intégrante du récit, puisque la plupart des personnages masculins ne cachent pas leur mépris pour les Indiens et les femmes. Le seul personnage masculin qui se détache, le majordome du ranch, brille par ailleurs par son alcoolisme. C’est, néanmoins, un vrai soutien pour l’héroïne.
Un roman bariolé qui instille peu à peu le malaise chez le lecteur, mais qui se lit avec plaisir.
Soyez le premier à commenter