ALBUM JEUNESSE — Timothée de Fombelle, que l’on connaît plutôt au rayon des romans pour adolescents, signe son deuxième album pour la tranche d’âge inférieure. Après le remarqué La Bulle, illustré par Eloïse Scherrer, il a confié le texte de Capitaine Rosalie à l’illustratrice québécoise Isabelle Arsenault, avec qui il tisse l’émouvante histoire d’une fillette prise dans les affres de la première guerre mondiale.
Hiver 1917. Rosalie a 5 ans et demi, une maman qui travaille dur à l’usine, un papa parti dans les tranchées. Tous les jours, sa maman la dépose à l’école du village où, très sage, pendant que le maître fait la classe aux autres enfants, elle dessine dans son cahier en travaillant sur la mission secrète qu’elle s’est assignée et dont elle est la capitaine. De cette mission, on saura très peu de choses, hormis le fait que tout le monde imagine que la fillette passe son temps à rêvasser, alors qu’elle même travaille d’arrache-pied à un bien mystérieux objectif.
L’album étant assez court, il se dévore littéralement. Malgré la brièveté du texte, les activités et objectifs de Rosalie restent secrets un long moment. Ce qui nous permet de nous immerger totalement dans l’ambiance, tout en titillant savamment notre curiosité.
La Grande Guerre bat son plein et il est impossible de l’ignorer. Mais c’est un décor qui est installé avec une grande subtilité : le village semble éloigné des combats, aussi est-ce par de petites touches que l’on est plongé dans l’ambiance. De fait, l’instituteur a perdu son bras au combat et les femmes du village, parmi lesquelles la mère de Rosalie, font les 3×8 à l’usine. Et puis, bien sûr, il y a les lettres que le père de Rosalie parvient à envoyer du front : des lettres touchantes, qui disent les choses sans fards, mais sans trop s’attarder sur les détails les plus atroces, sans doute pour préserver sa petite fille.
Du secret qui occupe Rosalie, nous ne dirons rien : ce serait vous gâcher la découverte, comme toute la force tranquille de l’album. Car c’est avec ce qu’il faut de délicatesse et de fermeté que Timothée de Fombelle et Isabelle Arsenault nous acheminent vers les révélations et la conclusion, riche en émotions ! Difficile de tourner les dernières pages sans se sentir quelque peu chamboulé par la force des personnages, les épreuves qu’ils traversent et la façon dont ils choisi de passer outre les drames de la guerre.
Les textes de Timothée de Fombelle se marient à la perfection aux illustrations d’Isabelle Arsenault. Globalement grises et sombres, dominées par les volutes de fumée, leurs touches de couleur sont surtout apportées par la chevelure de feu de Rosalie. Il se dégage de la fillette et une force et une conviction qui crèvent les pages ! L’ensemble, malgré la dureté de ce que traversent les personnages – époque oblige – marque par sa sensibilité. Jamais on ne sombre dans le mélodrame, ou la surenchère. Les choses sont dites, mais avec tact et douceur. Ce qui rend l’album parfaitement accessible pour les plus jeunes, et suscitera peut-être même quelques discussions sur cette période troublée !
Le duo signe là un superbe récit, porté par un thème et des personnages forts. Texte et illustrations s’avèrent à la fois très sombres, en accord avec le sujet, mais également lumineux ! On conseillera donc volontiers ce court roman graphique aux jeunes curieux, comme aux lecteurs plus âgés qui voudraient retomber en enfance.
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