ANTICIPATION — On l’aura remarqué, les fictions post-apocalyptiques – climatiques ou politiques – destinées aux adolescents ont le vent en poupe. Lou après tout, dont le premier tome (sur trois) est sorti mi-mai aux éditions Syros ne déroge pas à cette règle désormais bien installée.
Alors que la civilisation, qui allait si mal, s’est effondrée, terrassée par les bouleversements climatiques, émeutes, épidémies mortelles, dictatures et autres fléaux, nous suivons un duo de survivants. Lou, quinze ans, a été recueillie lorsqu’elle était très jeune et sans souvenir de son identité par Guillaume, qui affiche le double de son âge. Bon an mal an, ce duo père-fille reconstitué, réfugié dans une villa perchée sur un mont des Flandres, tente de s’en sortir comme il peut. Et rien n’est moins simple, car le danger peut surgir à tout moment : il faut évidemment compter avec les aléas climatiques des saisons erratiques, avec les traditionnels pillards sans foi ni loi, mais aussi avec les êtres contaminés qui ressemblent à s’y méprendre à des zombies et qui en ont le degré de contagion.
En termes d’univers, rien de nouveau sous le soleil, donc. On retrouve dans ce récit les mêmes créatures peu appétissantes que dans les autres romans du genre, les mêmes problématiques liées à la survie et à la moralité fluctuante des autres survivants. De plus, le rythme n’est pas tellement au rendez-vous car, lorsque s’ouvre le récit, nos personnages sont installés dans une maison facilement défendable, presque déjà dans leur petite routine. Difficile, donc, de se sentir submergé de stress par leur mode de vie.
L’originalité réside finalement dans le choix des personnages : au lieu de proposer plusieurs adolescents, l’auteur choisit plutôt une cellule familiale reconstituée, ce qui offre un angle d’approche intéressant. Dommage, cependant, que cette relation soit présentée sous un jour totalement ambigu : on comprend bien que ce soit la fin du monde, mais la jeune fille a-t-elle réellement besoin d’être à ce point taraudée par son utérus pour envisager de procréer avec son presque-père ? De plus, les personnages ont un côté poseur qui s’avère rapidement agaçant. Ils sont placés sous le haut patronage d’Apollinaire – le poète fétiche de la mère de Guillaume et qui leur a donné leurs prénoms – et font assaut de poésie et de philosophie. Or, le bât blesse : car si les propos sont intéressants et proposent des pistes de réflexion qui valent vraiment le détour, la surenchère leur ôte toute efficacité et rend rapidement les dialogues assez artificiels. Tout cela vient peser sur un rythme qui, dès le départ, ne se révèle pas trépidant.
Et malheureusement, la seconde partie ne vient en rien relancer l’intrigue. Car l’auteur a choisi d’y opérer un long retour en arrière, dans lequel on passe en revue la vue de Guillaume de sa petite enfance à l’époque où il a trouvé Lou, alors qu’il était adolescent. Et, si l’analepse est intéressante pour comprendre comment on est en arrivé là, malheureusement elle s’avère malheureusement aussi longue qu’insipide. On assiste à une société qui bascule dans la xénophobie, ferme les portes de ses cités, crée des ghettos… Encore une fois, on retrouve les poncifs du genre, encore alourdis par un discours moralisateur qui ne se dissimule même pas. Autant la plongée est intéressante, autant la forme la rend rapidement assommante.
En somme, l’idée du récit, à la fois pré et post-apocalyptique est intéressante, tout comme certaines réflexions des personnages valent le détour. Malheureusement, le manque d’originalité dans l’univers ou les thèmes, comme les longueurs, viennent plomber la lecture, et faire perdre de sa force au propos initial.
Lou après tout, tome 1 : Le grand effondrement, Jérôme Leroy. Syros, mai 2019.
Soyez le premier à commenter