Treize : l’été où tout bascule…

Treize, Aurore Bègue, Rue Fromentin

PREMIER ROMAN — Voilà un roman qui, s’il parait petit et court, n’en est pas moins intense et puissant : Treize, premier roman d’Aurore Bègue, nous conte l’histoire d’un été funeste où un drame s’est joué, et nous parle des premiers émois de l’adolescence. Ça sonne si juste qu’on était obligé de vous en parler.

C’était l’été 1992. L’été de ses treize ans, Alice le passera comme chaque année, en famille, sur la côté méditerranéenne. Avec sa soeur, Marie, de presque seize ans, elle passera de longs après-midis à la plage, ou au bar sur le bord de mer avec les amis de sa frangine. Mais cette année, tout est différent. Le père d’Alice et de Marie est heureux de retrouver Paul, un de ses collègues et amis, en vacances dans la même station balnéaire. Paul est charismatique, et charmant : solaire, même. Alice, du haut de ses treize ans, tombe amoureuse.

Aurore Bègue nous parle de cet âge charnière où l’on quitte doucement l’enfance pour l’âge adulte, cet âge décrit comme ingrat et que l’on appelle adolescence. Est-il vraiment ingrat, cet âge ? C’est pourtant la période des premières amours, des premières fois où l’on sent son coeur battre la chamade et où on ressent les premiers tiraillements du désir. C’est ce qui arrive à Alice cet été-là : ses premières règles la précipitent brutalement dans l’adolescence. Officiellement. Mais officieusement, en réalité, ce qui lui fait définitivement quitter l’enfance, c’est le regard qu’elle porte sur Paul, cet homme de trente-huit ans, dont le sourire lui fait monter le rouge aux joues.

Treize, Aurore Bègue, Rue Fromentin

Alice aurait pu en parler à sa grande soeur, Marie, et lui dire à quel point ces sensations sont inédites pour elle. Marie aurait pu lui fait part de son expérience, certes relative, mais déjà bien plus important que celle d’Alice. Mais Marie ne pense qu’au bel Aurélien, à qui elle a prévu de donner sa virginité cet été-là. Devenir une femme, ne pas être pucelle quand viendra la rentrée de septembre. Alice l’envie, forcément : elle a envie de grandir, d’être enfin adulte. Dans l’ombre, elle admire et jalouse cette soeur déjà aux portes de la féminité.

Dès le début de l’été, nous savons que le compte à rebours est lancé. Le prologue nous l’apprend : quelqu’un va mourir au cours du mois d’août. Le lecteur sent la tension monter, inexorablement. Que va-t-il se passer exactement ? L’ambiance se fait lourde, alors même que, aux côtés d’Alice, nous savourons ses petites victoires, ses joies. Notre regard d’adulte sait que quelque chose ne tourne pas rond. Mais quoi ?

Aurore Bègue maîtrise absolument tout dans son roman : il sait parler à l’adolescente que nous avons été, à la soeur que nous fûmes. À la lecture, on se sent redevenir jeune fille, et on se souvient de ce que c’était que de monter des plans sur la comète et de s’illusionner de pas grand chose. Le final du roman est à l’image du récit tout entier : réussi, juste et poignant. Bravo !

Treize, Aurore Bègue. Rue Fromentin, 2016.

A propos Emily Costecalde 1154 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

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