ROMAN ADO — Interfeel est le premier roman d’Antonin Atger, lauréat du concours d’écriture intitulé « Social Bug » et organisé conjointement par PKJ et la plateforme d’écriture WeLoveWords. Chacun des participants a ainsi eu l’occasion d’imaginer une société qui a laissé trop de pouvoir à un réseau social virtuel extrêmement puissant et a fini par se laisser déborder.
L’histoire prend donc place dans le futur, dans une société où un réseau social nommé Interfeel a pris beaucoup d’ampleur. Tellement d’ampleur qu’il est devenu en quelque sorte le ciment de l’humanité. Sur ce réseau social, point de partage d’images, de musiques ou de statuts à l’instar d’aujourd’hui : mais le partage des émotions. Chaque personne possède une puce (que l’on peut insérer derrière l’oreille gauche) qui lui permet tout à la fois de diffuser ses émotions et de percevoir celles des autres de manière automatique. Certains humains font le choix de vivre sans, mais l’immense majorité vit connectée en permanence. Il est en effet extrêmement mal vu de l’éteindre, tout du moins en public. Alors certes, on voit bien que cette nouvelle technologie a ses avantage, parmi lesquels l’impossibilité de mentir ou encore une communication simplifiée. Mais le revers de la médaille est bien plus intéressant : impossible de nuancer la vérité, tout le monde va donc s’évertuer à rentrer dans le moule et à éviter les émotions dérangeantes et/ou négatives. C’est encore pire pour la toute nouvelle génération, qui est née et a grandi avec cette technologie. Pour des adolescents comme Nathan et ses amis, Interfeel est essentiel et il est inenvisageable de s’en passer. Mais l’un de leur professeur va se jeter par la fenêtre afin de dénoncer ce réseau social qu’il trouve aberrant. Cet événement va bouleverser Nathan et tout remettre en question.
Ce roman est une formidable base de réflexion sur le rôle que peuvent avoir les réseaux sociaux dans nos vies. Il illustre parfaitement les dérives du système et jusqu’où elles pourraient aller si nous ne prenons garde. En ce sens, ce roman se positionne donc dans la lignée des différents épisodes de Black Mirror, la série d’anticipation sur les nouvelles technologies.
Certaines idées sont néanmoins quelque peu édulcorées, voire aseptisées pour les regards les plus matures qui en demanderont sans doute plus. Mais c’est normal, c’est un roman jeunesse qui se positionne très clairement pour les ados à partir de 12-13 ans. En ce sens, il est donc parfaitement adapté à son public.
Interfeel est très bien décrit, mais le lecteur pourra peut être se sentir pataud quelques dizaines de pages, le temps de bien appréhender le concept (qui, rappelons-le, même s’il est naturel pour Nathan et ses comparses, l’est beaucoup moins en 2018 !). Cela donne également lieu à quelques scènes cocasses, lorsque tous ces jeunes gens cherchent à ne pas laisser de traces et repassent pour l’occasion à l’utilisation de diverses antiquités : un ordinateur, voire pire, du papier et un stylo ! Vous ne regarderez plus jamais pareil votre bloc-notes après cette scène …
Signalons néanmoins la fin, qui peut, sans mauvais jeu de mot, laisser le lecteur sur sa faim. Soit l’auteur a choisi de laisser une fin très ouverte, à l’interprétation du lecteur, soit il y aura une suite. En attendant, beaucoup de questions restent en suspens et cela peut être quelque peu frustrant. D’autant que le dénouement final a lieu assez rapidement, sur un nombre restreints de pages.
En conclusion, Antonin Atger nous offre là un bon premier roman d’anticipation, qui saura sans nul doute conquérir les jeunes férus de nouvelles technologies et amateurs de rocambolesque. Il soulève nombre de questions intéressantes et fait un excellent support de réflexion sur les réseaux sociaux. En espérant qu’un tome deux vienne assez vite répondre aux questions laissées en suspens !
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