ADAPTATION — Penn Badgley est-il abonné aux rôles un peu louches, mais séduisants ? Le personnage qu’il incarne dans la série Netflix You, adaptée des romans de Caroline Kepnes, ne le démentira pas. L’ex-acteur de Gossip Girl y incarne Joe, un libraire en apparence bien sous tout rapport… mais qui cache en réalité une personnalité obsessionnelle et dominatrice.
Tout commence le jour où Guinevere Beck, une jeune étudiante new-yorkaise qui se rêve autrice, passe la porte de sa petite librairie (un paradis pour bibliophiles, je vous assure !). Joe tombe immédiatement sous le charme. Dès lors, notre héros (ou plutôt, anti-héros !) décide de tout savoir sur sa proie : il l’espionne (malheureusement pour elle, Beck ne connaît pas l’usage des rideaux), sillonne ses réseaux sociaux, lit ses blogs, apprend tout de sa vie… avant de commencer à la fréquenter. Pour Beck, Joe a tout du mec parfait : il est très mignon, il semble aller au devant de ses moindres désirs, et la comprendre parfaitement. Mais Joe n’est pas prêt qu’à espionner sa belle : il est prêt à tout. Absolument tout. Y compris au meurtre s’il estime que quelqu’un s’oppose à son union avec sa dame.
Oh, que c’est vicieux, de pousser le spectateur à prendre fait et cause pour un meurtrier, pour un mec, avouons-le, profondément atteint, psychologiquement instable, complètement tordu. Oui, la série est tellement bien ficelée que le héros est ce mec qui se branle en face de l’immeuble de Beck, qui la piste, qui tue ses proches… et pourtant, ça reste le héros et on veut savoir comment il va s’en sortir. Certains spectateurs peuvent être indéniablement mal à l’aise face à ce thriller à la saison 1 redoutablement efficace (la saison 2… notre avis reste réservé). On ressortira la fameuse sentence que l’on a vu partout fleurir sur les réseaux sociaux à l’époque de Cinquante nuances de Grey : si Christian Grey avait vécu dans un mobil-home, la trilogie d’EL James n’aurait été qu’un épisode de plus de Criminal Minds… You, c’est un peu le même principe. Joe est séduisant, il est libraire, il est cultivé, et quand il n’est pas occupé à espionner une femme ou à buter son ex, il a des côtés très chevalier servant en armure (sa propension à vouloir absolument sauver les enfants paumés de son voisinage, par exemple). Ce qui fait tout, c’est indéniablement le charme de Penn Badgley, qui arrive à merveille à se glisser à la fois dans la peau du mec normal et gentil… et dans cette du psychopathe au regard flippant. Un coup terriblement sexy, un coup froid et impitoyable.
Car You, finalement, nous propose d’observer la construction d’un serial killer, ni plus, ni moins. Joe n’est pas un sociopathe sans coeur, mais il s’illusionne totalement : pour lui, ses actes sont nécessaires, il ne les remet pas en cause. À la limite, il se déchargerait presque de la faute sur la femme qui l’aime : c’est toi, Beck, qui m’a forcé à faire ça, en fréquentant ces gens nocifs. Au fil des épisodes, il se durcit : au début, on sent qu’il se laisse submerger et perd pied. Par la suite, c’est plus réfléchi… et quelque part, plus flippant.
C’est une série fascinante, dans un cadre absolument séduisant (ah, les rues de Manhattan ! les petites librairies sombres !), avec des acteurs convaincants. Elizabeth Lail, qui campe Beck, incarne à merveille cette jeune femme ambigüe, à la fois rêveuse et pragmatique, candide et parfois cynique, gentille et pourtant égocentrée. On devrait lui dire de fuir… mais on l’observe tomber inexorablement dans la toile de Joe et, ô plaisir coupable, on aime ça.
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