Dans les coulisses du musée : zoom sur un de mes romans préférés !

ROMAN  — Dans mon musée personnel, le roman de Kate Atkinson tient une place de choix. Longtemps, je l’ai même considéré comme un de mes romans préférés, après l’avoir lu deux fois à l’adolescence. Aujourd’hui, cela se confirme. La première fois que je l’ai lu, c’était l’été de mes quinze ans, et je l’avais emprunté à ma mère. Quatorze ans après, j’en ai subitement et sans raison rêvé, et le lendemain matin, je l’ai racheté, car si je me souvenais avoir adoré, et que le gros plot-twist me restait en tête, l’intrigue, elle, s’était envolée dans les couloirs du temps. Quatorze ans, après tout, c’est long pour une lectrice avide, surtout quand cela constitue presque la moitié de sa vie…

Bref, parlons peu, parlons bien : de quoi parle Dans les coulisses du musée, et pourquoi c’est super bien ?

Dans les coulisses du musée nous conte l’histoire de Ruby Lennox, petite Anglaise née en 1951, mais pas que ! C’est une lignée matrilinéaire que déroule l’autrice : on parle de Ruby, mais aussi de sa mère, Bunty, de sa grand-mère, Nell et de son arrière-grand-mère Alice. L’intrigue se compose de chapitres menés par la voix entraînante de Ruby et s’attarde principalement sur des épisodes clés de son enfance (sa conception, sa naissance, des vacances étranges chez sa tante, la mort de sa soeur un 24 décembre,…) mais également très rapidement de sa vie adulte (la rencontre avec son mari, la mort de sa mère). Entre chaque chapitre, on trouve une annexe consacrée à un membre de la famille, car, comme toutes les familles, les Lennox possèdent quelques secrets et quelques objets mystérieux qui leur viennent de leurs ancêtres. On apprendra ainsi l’histoire de la patte de lapin porte-bonheur, de la cuillère tordue ou encore de cette mystérieuse photo où les enfants du clan posent à la fin du XIXe siècle avec une femme qui n’est pas leur mère…

C’est un roman qui, comme souvent avec ceux de Kate Atkinson, parle de famille et de guerre (les deux guerres mondiales ayant un impact considérable sur la famille Lennox). Kate Atkinson donne libre voix à ses personnages féminins, souvent déçus par leur condition d’épouse et de mère. Bunty ou Alice font elles-mêmes le constat : « je ne pensais pas que ça serait comme ça ». Bunty, éternelle martyre du foyer, égrène les griefs contre son mari : la cuisine à faire, la boutique à tenir, les enfants à gérer, jamais un merci, jamais une marque de reconnaissance, et en plus, le mari est infidèle ! Alice ou Bunty fantasment même sur la fuite, sur un nouveau départ loin de leurs nombreux enfants. Le deuil, le traumatisme, l’exil, la révolte adolescente sont autant de thèmes brillamment abordés au fil du récit.

Ce que l’on aime particulièrement, au-delà de ça, est le style enlevé, virevoltant, drôle et caustique de Kate Atkinson. Ruby, la narratrice, nous fait des commentaires presque humoristiques en aparté sur des choses pas drôles du tout, comme le décès de sa soeur Gillian, qu’on apprend presque dès le début, mais auquel on n’assiste qu’en deuxième partie du roman. C’est un peu décalé, mais c’est très drôle à lire, et je pense qu’à ce titre, les premières pages constituent un bon exemple de cette narration très particulière.

Ensuite, autre énorme atout du roman : la révélation de la fin du roman sur Ruby elle-même, de celle que l’on peut voir dans Fight Club ou Sixième sens, et qui pousse le lecteur à tout relire depuis le début, en quête d’indices généreusement dispensés par Kate Atkinson. Une fois que l’on sait, tout paraît évident, mais à la première lecture, on se demande bien ce qui se passe. La narratrice étant de ce point de vue là, défaillante et absolument peu fiable, elle ne dit pas consciemment les choses, et pourtant, à bien observer, on les voit. C’est très, très bien fait.

Dans les coulisses du musée est un excellent roman, très réussi dans sa réalisation, son style et ses secrets. On ne s’en lasse pas, et je me vois tout à fait le lire une quatrième fois d’ici une quinzaine d’années.

Dans les coulisses du musée, Kate Atkinson. Le livre de poche, 1998. Traduit par Jean Bourdier.

N’hésitez pas à lire également, de la même autrice, l’excellent Une vie après l’autre.

A propos Emily Costecalde 1036 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

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