FANTASY — La Cité de laiton, premier tome d’une trilogie de fantasy, est arrivé dans notre bibliothèque accompagné d’un cortège de citations élogieuses : le titre est porté aux nues par Robin Hobb (qu’on ne présente plus, voyons !), Sabaa Tahir, ou encore Laini Taylor. Armé de sa couverture splendide, le roman n’a pas eu à attendre longtemps avant de passer entre nos mains. Verdict ? On vous dit tout ce qu’on en pense (du bien).
La Cité de laiton a d’emblée un immense atout : il s’agit d’une fantasy d’inspiration orientale, là où tant d’autres romans puisent leur imaginaire dans le moyen-âge ou les légendes arthuriennes. Le dépaysement est donc total lorsque le lecteur fait la connaissance de Nahri, une arnaqueuse de talent qui vit dans le Caire du début du XVIIIe siècle. Nahri possède quelques dons bien pratiques : tout d’abord, elle guérit de tout. Ensuite, elle a un flair certain pour déceler les soucis de santé chez les clients qui la consultent. Enfin, elle est capable de comprendre toute les langues qu’elle entend. Un jour, elle invoque bien malgré elle un guerrier djinn en plein exorcisme… Et pour elle, c’est le début des ennuis !
Le récit puise donc beaucoup de son arrière-plan et de sa magie dans les légendes musulmanes, ce qui confère beaucoup de fraîcheur et d’originalité à l’histoire : le lecteur croisera des djinns, bien sûr, mais aussi des efrits ou des goules. Avouez que ça change des elfes, dragons et autres sorcières ! Les cités médiévales et les citadelles pleines de courant d’air sont remplacés ici par la splendide et mythique cité de Laiton, aussi connue sous le nom Daevabad. En voilà un lieu fascinant ! Dans cette ville peuplée de djinns, la jeune arnaqueuse découvre les intrigues de cour, les guerres intestines et la fourberie de la politique. Un apprentissage en accéléré, dans une ambiance somptueuse mais cruelle, où le moindre faux-pas peut vous coûter la vie. Le roi de Daevabad, bel exemple de pragmatisme politique entaché de violence, lui tend la main : mais rien n’est jamais gratuit chez ces êtres magiques qui vivent des siècles entiers en méprisant les humains et les Shafits, nés d’une union entre djinns et la plèbe humaine…
Nahri découvre donc en accéléré tout ce monde qui lui était totalement inconnu il y a peu : elle découvre une véritable poudrière, rongée par le racisme et le ressentiment, obsédée par la pureté du sang, prête à exploser à n’importe quel moment. Elle apprend l’existence de conflits passés, de génocides et d’exactions sanglantes qui, bien des siècles après, continuent à hanter la population et à pousser certains à se soulever. L’émeute n’est jamais loin à Daevabad, et cette tension permanente, ce conflit entre les ethnies, entre les différentes tribus de djinns, n’est pas sans évoquer certains conflits géopolitiques réels.
Grâce à une narration plurielle, qui donne voix tantôt à Nahri, néophyte découvrant tout avec intérêt, méfiance et pragmatisme, tantôt à Alizayd, le fils cadet du roi Ghassan, idéaliste mais coincé entre le marteau et l’enclume, le lecteur a une vue d’ensemble de la complexité de Daevabad. Le prince Ali (oui, c’est bien lui ! Pardon, il fallait que je la fasse) est déchiré entre sa loyauté à son père et ses convictions, entre sa religion et la machine politique dont il est un rouage essentiel. Quand son père lui confie la gestion de la garde royale, et donc le rôle de justicier du roi, il est déchirant de voir les doutes et les hésitations du jeune homme.
Du coup, est-ce que c’est bien ? Oui, ça l’est. S. A. Chakraborty nous livre un premier tome maîtrisé, parfaitement introductif sans être pour autant passif, avec des personnages intéressants (on aime le côté roué et l’audace de Nahri). On a déjà hâte de lire la suite !
La Cité de laiton (Daevabad T1), S. A. Chakraborty. De Saxus, 2021.
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