ROMAN ADO — Florence Hinckel est une autrice de romans jeunesse et pour ado que l’on ne présente plus. Auréolée de nombreux prix, nous avions en particulier beaucoup aimé Nos éclats de miroir, où Cléo répondait à Anne Frank dans son journal intime. Mais qui dit nouveau roman, dit nouvelle héroïne. Et c’est le destin d’Edna, 17 ans, qui nous intéresse aujourd’hui, dans L’Énigme Edna.
Edna vit seule avec son beau-père, dans une petite ville du sud de la France. Depuis la mort de sa mère de la Covid-19, la jeune fille s’est refermée sur elle-même et est devenue le souffre-douleur du lycée, où elle est en section pro.
Alors qu’elle souhaite emprunter Ulysse de James Joyce au CDI, les membres du club lecture l’humilient pour son choix, le roman étant réputé difficile à lire. Parmi eux, Eliott, qui l’agresse physiquement. Mais étant le fils d’un homme politique local influent, Eliott ne sera pas sanctionné, tandis qu’Edna est exclue du lycée. Chaïnez, qui fait également partie du club de lecture, a assisté à toute la scène puis au conseil de discipline et n’a pas pu s’interposer. Déçue et révoltée par cette injustice, elle propose à Edna de l’aider à participer à un concours littéraire très en vue dans le lycée. Le principe ? Préparer une vidéo pour présenter le livre de son choix. Mais Elliot, ivre de colère contre cette moins-que-rien qui ose le défier, prépare sa vengeance…
Ce récit est dense, haletant et intriguant ! C’est un roman adolescent plutôt noir, qui se veut dans la même veine que Carrie de Stephen King. L’héroïne est en effet mise à mal : orpheline, livrée à elle-même et harcelée, sa vie est en fait une succession d’injustices. Et sa colère enfle, alimente sa rage et finit par la transfigurer. Pour le meilleur mais aussi pour le pire. Le chaos qui en découle nous bouscule et nous happe. L’autrice ne se contente pas de nous donner le point de vue d’Edna qui est harcelée, elle nous raconte aussi celui d’Elliott, l’oppresseur en question, et celui de Chaïnez, qui assiste à tout cela et qui s’en veut de ne pas intervenir. Tous les partis sont donc représentés et participent à faire monter la tension, sans tout dévoiler trop vite, jusqu’à un final en apothéose. Le format du livre en lui-même participe également à l’atmosphère du récit: on alterne en effet des chapitres sur les personnages avec des passages qui mentionnent un reportage dans le futur consacré à Edna, qui veut éclairer a posteriori la chronologie des évènements. On sait donc dès le début que tout cette histoire va mal tourner, mais le mystère reste entier jusqu’à la fin !
Ce récit aborde beaucoup de messages et de thèmes forts : injustice, harcèlement, élitisme, sexisme, … La liste est longue (comme les maux d’aujourd’hui). Un peu trop, peut-être. Car si tous ces sujets méritent qu’on s’y attarde (il faut en parler et c’est très positif d’y être confronté dans ses lectures), ils sont malgré tout noyés dans la masse et perdent donc en crédibilité. C’est un peu dommage mais l’initiative mérite néanmoins d’être soulignée ! C’est en parlant que la société évolue, cela ne fait aucun doute. Car si ce texte marche parfois à la frontière du fantastique, il est en fait résolument ancré dans la réalité. Les situations rencontrées par Edna sont saisissantes de réalisme, au point d’en être parfois prophétiques.
Bref, un roman aussi inattendu qu’addictif, qui offre une réécriture prenante et moderne du texte de Stephen King. À découvrir, à déguster et à méditer !
L’énigme Edna, Florence Hinckel. Nathan, 19 août 2021.
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