ROMAN HISTORIQUE — Julie Maupin. Ce nom ne vous dit peut-être rien, mais il mérite d’ être connu. Cette jeune femme, qui a grandi à Versailles au temps de Louis XIV, est une escrimeuse émérite, une chanteuse lyrique et une actrice reconnue ! Elle a vécu une vie flamboyante à une époque qui l’était tout autant … Qui d’autre que Jean-Laurent Del Socorro pour rendre hommage à cette figure féminine d’une autre époque ? Après Boudicca, découvrez donc le fabuleux destin de Julie Maupin dans Une pour toutes.
1688. Julie a grandi face au château de Versailles, dans les écuries royales. Là, elle a appris à enchaîner les bottes et les parades et elle manie désormais l’épée aussi bien que les réparties. La jeune femme est éprise de liberté. Seulement voilà, Julie vient d’avoir 18 ans, et avec cela l’obligation de se marier. Car au XVIIIe siècle, les jeunes filles sont toujours la propriété d’un homme : le père, puis le mari. Mais il faudra plus qu’un mariage arrangé pour enchaîner la bretteuse émérite : sitôt mariée, elle expédie son mari à la campagne et rallie Paris pour gagner sa vie —et sa liberté. Elle y enchaîne les amants et les duels, ce qui lui vaut quelques ennuis et la force à quitter la capitale pour la province afin d’échapper aux agents de police de La Reynie. Commence alors une vie incroyable et tumultueuse, dont la première étape est à Marseille. Et pour une fois, tout est vrai, même le plus invraisemblable !
Seule, envers et contre tous ? Eh bien, non ! Car Julie est en fait accompagnée depuis le début par un certain Méphistophélès, le très connu personnage du mythe de Faust, qui se présente à elle comme le diable. Car avant de rencontrer le fameux Faust, Méphistophélès a donc poursuivi Julie de ses assiduités afin de lui offrir une vie de plaisirs et de liberté en échange de son âme. Mais Julie s’y est toujours refusée, préférant gagner son émancipation toute seule. De ces contrats ratés va naître une amitié entre les deux personnages, qui ne manquent pas une occasion de croiser le fer ou de s’envoyer des réparties cinglantes (mais si bien trouvées). Cela n’est d’ailleurs pas sans rappeler le personnage de la Mort dans Je suis fille de rage, et permet d’apporter la touche si caractéristique de fantasy aux romans historiques de l’auteur.
Ce livre est également une jolie ode au théâtre, ne serait-ce que par son découpage. Une pour toutes est en effet écrit, non pas en chapitres, mais en actes et en scènes (souvenez-vous de vos cours de français !), et chaque partie s’ouvre sur un dialogue en alexandrins. Ces dialogues sont ciselés à la perfection et on tombe sous le charme dès la première page, avec une répartie d’anthologie. Le reste du texte, qui rassurez-vous n’est pas écrit en vers mais en prose, saura aussi vous régaler tant la plume de Jean-Laurent Del Socorro, est, comme toujours fluide, accessible et entraînante. On apprécie les légers clins d’œils à ses autres œuvres qui se glissent au fil des pages et qui font, de manière subtile, le lien avec le reste de la bibliographie de l’auteur, notamment quand l’intrigue se déroule à Marseille (Royaume de vent et de colères, Du Roi je serai l’assassin).
Les thèmes abordés dans ce roman sont intemporels si ce n’est d’une modernité désarmante. À travers le personnage de Julie, l’auteur nous parle bien évidemment d’égalité des sexes et de féminisme. Mais pas que ! Ce roman nous parle aussi de la vie sous toutes ses formes, des choix qui nous forgent et nous font grandir, et des règles qui sont parfois faites pour être bafouées. Le tout est saupoudré d’humour, de réflexions plus philosophiques et de tournures de phrase à la limite de la poésie. Un régal !
Une héroïne palpitante, un auteur qui ne nous déçoit jamais et qui sait se renouveler à chaque publication : vous l’aurez compris, c’est un gros coup de cœur. Il y aurait encore mille raisons de lire ce roman, mais croyez-nous sur parole, vous ne serez pas déçu de la découverte !
Une pour toutes, Jean-Laurent Del Socorro. École des loisirs, janvier 2022.
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