ROMAN NOIR — L’an dernier, Marion Brunet a reçu la Pépite d’or du Salon de livre et de la presse jeunesse de Montreuil pour son western Sans foi ni loi. Après un petit crochet en littérature adulte, la voici de retour en ce début d’année avec un roman noir pour ado qui prend aux tripes : Plein gris.
Emma, Elise, Sam, Victor et Clarence s’apprêtent à couronner leurs brillants parcours scolaires du diplôme du baccalauréat. Excellents navigateurs, ils obtiennent la permission parentale de passer leurs vacances de Pâques sur un voilier, pour un petit périple entre la Bretagne et l’Irlande. Lorsqu’Elise et Victor découvrent le corps de Clarence, noyé près de la coque du voilier, tous comprennent que la croisière a viré au cauchemar.
Avec la disparition de son charismatique leader, le groupe se délite : les petits secrets et les rancœurs refont surface et mettent à mal le voyage. D’autant qu’une tempête terrifiante s’annonce et qu’ils ne sont pas certains de parvenir à y échapper…
Marion Brunet nous plonge dès la première ligne, si on ose le dire, dans le bain. En effet, le roman débute immédiatement avec la découverte du corps de Clarence.
À partir de là, le récit entremêle la situation sur le bateau et des flashbacks de l’histoire du groupe, permettant de comprendre comment et pourquoi on en est arrivés là. Par la voix d’Emma, on retrace la naissance de ce groupe très fermé, la passion pour la voile des quatre premiers, l’arrivée de Victor, le projet de faire cette traversée jusqu’à l’Irlande juste avant le bac.
Les chapitres, très courts, assurent un rythme particulièrement prenant. D’autant que les quatre navigateurs survivants ont fort à faire : certes, leur leader est passé par-dessus bord, mais il y a plus urgent. La tempête qui leur arrive dessus et qui empêchera sans aucun doute les secours d’arriver jusqu’à eux.
Peu à peu, la tension monte : plus l’on tourne les pages, plus l’on sent que le gros temps qui se profile va se doubler d’une tempête émotionnelle ravageuse pour les navigateurs. Et de fait, on sent que la situation peut à tout moment virer – un peu plus – au drame.
L’autrice nous plonge aussi dans un univers maritime extrêmement bien rendu : les descriptions, très précises, truffées de termes techniques, donnent à l’ensemble un côté cinématographique et très prenant. D’ailleurs, et c’est sans doute un tour de force à signaler, le texte est fluide et compréhensible, même à qui ne fait pas de voile et ne maîtrise pas le vocabulaire. Incroyable !
Outre le récit de cette virée-catastrophe en mer, Marion Brunet offre un très beau portrait de l’adolescence… et de l’amitié toxique. Car il faut le dire, Clarence joue sur tous les tableaux, offrant tour à tour l’image d’un jeune homme solaire, aimable au sens premier du terme, et celle d’un ténébreux salaud dont la mort ne chagrine pas tant il a fait souffrir ses proches. Ceux-ci, Emma en tête, ont d’ailleurs bien du mal à démêler leurs sentiments à son égard : le récit montre parfaitement comment l’amitié peut se nouer et se dénouer, comment on peut se laisser aveugler, ou les petites lâchetés qui peuvent régir un groupe. Et il faut le dire, c’est tout aussi passionnant que la bataille que mènent les adolescents contre la mer.
Plein gris vous embarque donc pour une cauchemardesque virée en mer, qu’il est difficile de lâcher ! Point d’enquête ou de recherche de la vérité ici, mais un roman noir d’excellente facture, que l’on vous recommande très chaudement !
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