ROMAN ADO — En plus d’être scénariste, Nathalie Stragier concocte des histoires pour les magazines J’aime lire ! et Je Bouquine. Pour son premier roman au long cours, elle explore la science-fiction et l’anticipation. Quoique… cette histoire est-elle vraiment si irréaliste ?
Juin 2019. Andrea, 16 ans, essaie désespérément de convaincre son père de la laisser faire un tour d’Europe, sac au dos, avec son meilleur – et seul – ami, Mathias, qui sera majeur avant l’été. Or c’est mal barré : son père, commissaire de police, a une idée très nette des dangers qui guettent une jeune fille sur la route. Bref, ce matin-là, Andrea est mûre pour … autre chose. Alors quand cette fille bizarre au look totalement improbable lui demande de l’aide, Andrea n’hésite pas un seul instant. Elle ramène Pénélope chez elle. Sauf que, voilà. Pénélope n’est pas une ado échappée d’un foyer pour jeunes en difficulté. Avec sa dégaine douteuse, Pénélope vient en fait du futur. De l’année 2187. Suite à une petite erreur de manipulation durant son épreuve pratique d’histoire-géo, la voilà coincée à l’époque d’Andrea. Qui, pour elle, correspond au Moyen-Âge tardif (celui-ci allant du XVe au XXIe siècle).
Pénélope est terrifiée, frustrée, pleine de préjugés sur l’époque d’Andrea, déterminée et affreusement envahissante. Mais ce n’est pas le pire. Pénélope connaît notre avenir et ne doit surtout, surtout pas le révéler !
En quatrième de couverture, Ne ramenez jamais une fille du futur chez vous se présente comme une comédie décapante. Mais ne vous y fiez pas ! Sous ses airs de roman léger et enlevé, le récit soulève quelques points cruciaux. En effet, Pénélope est persuadée de venir d’une époque « supérieure », où elle vit dans une société matriarcale. Leurs discussions permettent à Andrea de mettre le doigt sur une différence majeure entre leurs deux époques et de relativiser la sienne, présentée comme détestable par sa visiteuse. Et c’est là que l’auteur joue très finement ! En mettant en avant les multiples travers de la société dont est issue Pénélope, elle point très justement du doigt leurs pendants, dans la nôtre – tout cela sans se montrer moralisatrice. C’est tout simplement brillant !
Et si cela fonctionne aussi bien, c’est aussi parce que le roman est très rythmé ! L’intrigue évolue à plusieurs reprises : d’abord, il faut intégrer Pénélope à la vie courante (elle devient donc une réfugiée politique/de guerre, miraculeusement échappée des mains d’un passeur) ; ensuite, il faut tâcher de la renvoyer chez elle (plus facile à dire qu’à faire, puisque pour des questions de sécurité elle ne peut rien révéler) ; enfin, il faut s’occuper de corriger les monstrueux défauts entraperçus (et ce contre l’avis de Pénélope, bien entendu). Tout cela sans alarmer le père d’Andrea et en maintenant une apparence de façade au lycée. Pas facile ! On n’a donc vraiment pas le temps de s’ennuyer, tant les péripéties s’enchaînent.
Et avec ça, l’histoire est très drôle ! Pénélope, quoi qu’elle fasse, est décalée et ses réactions, questionnements et autres prises de positions sont cocasses.
Le seul point qui pêche est, finalement, les relations des jeunes filles avec les autres personnages, qui restent toujours en surface. Mathias, le meilleur ami, s’éclipse bien trop vite dans le récit et c’est un peu dommage. De même, Pierrick, le grand-frère, après quelques actions d’éclat, semble un peu pâlot. Heureusement, les dialogues et quiproquos plus que loufoques entre les deux filles pallient cette faiblesse.
L’action va crescendo : plus on approche de la fin, plus on est sous-tension ! En comparaison, la conclusion semble même un peu sèche, tant elle est ouverte… mais laisse libre place à l’imagination du lecteur.
Pour son premier roman au long cours, Nathalie Stragier propose une jolie réussite. Elle allie aventure trépidante, suspense, intrigue loufoque à souhait, et critique décapante et toute en légèreté des travers de notre société. Une seule chose à dire : bonne pioche !
Ma prochaine lecture après celle en cours 🙂
J’ai hâte de savoir ce que tu vas en penser 🙂