FANTASY – Il nous manquait un roman pour être à jour – à cette date – dans la bibliographie d’Emmanuel Chastellière. Et c’est chose faite aujourd’hui avec la chronique de Célestopol, à l’occasion de sa sortie en poche. Après nous avoir transporté dans un empire exotique (L’Empire du léopard), au cœur de Montréal (Poussière fantôme) ou bien encore dans un village pour le moins glauque (Le Village), nous voici donc partis direction … la Lune ! Un bien bel hommage à l’occasion du 50ème anniversaire des premiers pas de l’Homme sur notre satellite.
Début du XXe siècle. L’Empire de Russie a réussi non seulement à aller sur la Lune, mais également à la coloniser. À l’aide de nouvelles technologies mystérieuses, les Russes ont fondé sous un dôme la ville de Célestopol, haut-lieu de toutes les magnificences et de toutes les démesures. La cité est sous le joug du duc Nikolaï, qui se trouve être un homme extravagant, mégalomane et ambitieux. On y suit alors, au gré des nouvelles, des habitants en quête d’émancipation, rebelles, insoumis – à l’image de la métropole –, qui portent en eux des colères intimes et des fêlures profondes.
Quatrième roman et quatrième ambiance singulière donc : Emmanuel Chastellière sait définitivement se renouveler ! Ce volume de fantasy teintée de steampunk est également un hommage au romantisme slave. Alors, énoncé comme cela, les mots-clefs peuvent sembler improbables : et pourtant, cela fonctionne parfaitement. On rentre très vite dans la lecture, même si d’aucuns ont pu dire que les deux-trois premières nouvelles sont un peu à la traîne par rapport au reste du recueil. Peu importe puisque la magie opère immédiatement : tour à tour intriguant, menaçant ou au contraire charmant, l’univers décrit par Emmanuel Chastellière est d’une poésie exquise. Il est extrêmement complet et se suffit à lui-même, car, même une fois le livre refermé, nul doute que l’histoire perdure là-haut, dans les étoiles. Vous aurez donc forcément envie d’aller flâner là-bas, le long des canaux de sélénium, dans la demeure du duc ou dans le quartier des théâtres, voire même de vous aventurer près des maisons closes. Cette ambiance steampunk caractéristique, faite de cuivre, d’engrenages et d’automates est subtilement distillée : pas besoin d’en faire des caisses, preuve s’il en est, pour que cela fonctionne.
Alors qu’en est-il du format nouvelles ? Ces textes attirent en général autant qu’ils effraient les lecteurs, qui peuvent avoir peur d’être frustrés. Il faut noter ici la présence d’un fil rouge assez fort : certains personnages emblématiques vont et viennent au gré des textes, avec plus ou moins d’importance et cela donne une grande cohérence au recueil. À tel point que l’on peut avoir l’impression de basculer sur un roman choral et c’est peut-être là que l’on peut être surpris. Célestopol est bel et bien un recueil de nouvelles, et quand bien même il existe des liens plus ou moins forts entre elles, il ne faut pas s’attendre à un dénouement où tout se met parfaitement en place et où tout prend tout son sens. Toutes ne convergent en effet pas vers la même fin, et c’est très bien ainsi.
Pour résumer, c’est une très belle initiation au folklore et aux figures slaves. Cela change de ce qui peut se faire de manière plus classique en fantasy et ça vaut le détour. Les personnages, tout comme l’univers, sont attachants, et ce en très peu de pages. Chacun devrait donc pouvoir, selon sa sensibilité, y trouver son compte au gré des différentes nouvelles. Le petit bémol concerne donc le format : pas tout à fait recueil de nouvelles, pas tout à fait roman, cela peut s’avérer un poil déstabilisant selon les attentes. Mais cela ne gâche en rien la lecture. Si vous ne connaissez pas, foncez donc découvrir ce roman qui est d’ailleurs conseillé par le site Babelio dans son récent classement des lectures à faire pour l’été 2019.
Célestopol, Emmanuel Chastellière. Libretto, mai 2019.
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